Malgré l’égalité formelle des Hommes, ils ne se valent pas. A preuve qu’ils sont différemment considérés, en raison de leurs origines, leurs utilités, leurs postures, toutes aussi différentes.
Cette réalité, irréductible, est résumée par Abdoulaye Sadji. «Si les hommes sont égaux devant Dieu, ils ne le sont plus dans la rue». Le statut des uns diffère de celui des autres. Un tel constat rend opportune, une réflexion sur la situation sociale de l’écrivain, qu’il faut distinguer de sa responsabilité sociale.
Tandis que celle-ci interroge l’impact positif de l’Homme de plume sur la société, celle-là renvoie à son statut au sein de la cité. Quel regard et quel traitement ses semblables, les autres, réservent- ils à l'écrivain ? La réponse à de telles interrogations est fonction des milieux et des auteurs considérés. Les poètes maudits. On pourrait les qualifier de têtes brûlées. Leur indépendance d'esprit et leur conception libérale des choses, les conduit à tout peindre. La pudeur est une autocensure pour un Homme de lettres. Ni la morale, ni la loi, encore moins l'indignation publique ne les effraient ; convaincus qu'ils sont, qu'on ne fait pas la littérature avec des gants.
Dilettantes ou provocateurs, hédonistes ou libertins, les poètes maudits sont coupables de scandale, aux yeux de la société. Leur immoralité supposée les voue à toutes les imprécations, parfois même aux sanctions judiciaires.
Signe de leur malédiction ! Leurs fréquentations sont aussi rares que leurs apparitions publiques.
Seuls quelques journalistes ou des rares amis ont l'honneur de leurs confidences.
Aussi, ils en deviennent les porte-paroles obligés. Autrement, les poètes maudits vivent, cruellement ou voluptueusement, «l'isolisme ». Forgé par l'un d'eux (Marquis de Sade), ce néologisme exprime un isolement intense. En Afrique francophone, Yambo Ouologuem aura été l’un des premiers auteurs maudits avec son ouvrage Le devoir de violence. Les esprits incompris. Leur clairvoyance confine à la prescience. C’est leur avantage, mais aussi leur malchance.
Fins observateurs, analystes rigoureux, les esprits incompris sont insolemment prémonitoires. Leur tort est d’avoir raison…avant l’heure et contre tout le monde ! Comme l’a écrit Zweig c’est « une loi inéluctable de l’histoire : elle défend précisément aux contemporains de reconnaitre [...] les grands mouvements qui déterminent leur époque ». Ceux qui les anticipent sont généralement brocardés : «prophète de malheurs», «pessimistes fieffés », «complotistes» etc. ! Dans cette catégorie, on peut citer l’américain Geroges Orwell, le burkinabé Laurent Bado. Celui-ci en souffre particulièrement.
Mais, l'honneur fleurit sur la fosse. C’est ce qui réconforte les esprits incompris.
Les talents bénis. Leur génie leur attire les honneurs.
Autant respectés que sollicités, ils sont conséquemment courtisés, cooptés et quasi-déifiés. Le pouvoir politique aime à s’attacher leurs services. A titre illustratif, Seyni Kountché comptait dans son entourage des pontes de la littérature nigérienne (Mahamadou H. Sabo, Amadou Ousmane & Idé Oumarou notamment). Dans leurs livres (Le piège africain de Macron : Du continent à l’Hexagone, Paris, Fayard,
2021), les journalistes A. Glaser et P. Airault nous apprennent qu’ «Emmanuel Macron [...] a initialement proposé le poste de ministre de la Culture [à l’écrivaine Leila Slimani,] qu’elle a décliné. «J’aime trop ma liberté !» a-t-elle confié au «New Yorker».
Les héros ostracisés. Tout comme les poètes maudits, ils sont voués aux gémonies. Mais, contrairement à ceux-ci, ils sont victimes du pouvoir politique dont ils dérangent les intérêts. L’hostilité à leur égard, prend la forme d’embastillements, de sanctions administratives - pour les fonctionnaires -, de refus de passeports, de censures, de violences physiques, parfois même, d’assassinats. Mongo Betti – pour citer un cas moins tragique-, eut toutes les difficultés à Publier Main basse sur le Cameroun : autopsie d’une décolonisation ! Essuyant les refus d’éditeurs, le «pamphlet» est finalement publié par François Maspero !
Comme pour ne rien arranger, dès sa publication le brûlot est censuré en France sur demande du pouvoir camerounais. Il fallut une longue et harassante procédure judiciaire pour briser l’obstacle.
La plume engage ceux qui la tiennent et définit leur statut social.
Abdoul-Malik Issoufa
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