Hésitante et flottante, telle semble être la marche du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) qui a bouclé ses 100 jours au pouvoir, il y’a quelques jours. Trois (3) mois durant peu de choses ont bougé relativement aux engagements pris par le CNSP. La situation sécuritaire reste préoccupante et le dialogue national inclusif s’est planté. Le pays ploie sous les sanctions de la CEDEAO, de l’UEMOA et de la communauté internationale et les Institutions prévues dans la cadre de la transition tardent à être mises en place. Le bilan, il faut le dire est mitigé, à l’exception du grand succès obtenu dans l’élan de souveraineté de la Nation en chassant les forces militaires française du territoire national. Pour le reste, la marche vers le retour à la démocratie et à l’ordre constitutionnel est lente, très lente et s’annonce comme une marche à pas de caméléon.
Retour sur les engagements du CNSP
Aussitôt le CNSP installé, Le nouvel organe Exécutif et Législatif nigérien d’annoncer sa feuille de route à travers le premier message à la Nation de son Président le Général Abdourahamane Tiani. L’insécurité grandissante et la mal gouvernance ont été les principaux arguments avancés par le CNSP pour justifier la prise de pouvoir par les Forces de Dé- fense et de Sécurité, qui sans ambages se sont inscrits dans la dynamique d’une transition.«…notre ambition n’est pas de confisquer le pouvoir. Je réaffirme aussi notre disponibilité à tout dialogue pour autant qu’il tienne compte des orientations voulues par le peuple nigérien fier et ré- silient» a annoncé le Président du CNSP, Abdourahamane Tiani dans son message à la Nation du 19 août 2023.Le Général de Brigade a également annoncé la tenue d’un dialogue national inclusif et une transition dont le délai ne saurait aller au-delà de trois ans.Ces annonces accueillies favorablement par les populations vont susciter une forte adhésion populaire au chantier du CNSP par rapport aux deux défis majeurs qu’il entendait relever, notamment les questions de l’insécurité et de la bonne gouvernance avec au premier plan la ferme détermination du peuple nigérien à défendre ses intérêts et sa souveraineté.
Des succès indéniables
Un peu plus de deux mois, les rues étaient tenues en haleine partout sur l’étendue du territoire national par des mouvements de soutien au CNSP, relativement à la redéfinition des partenariats militaires avec l’ancienne puissance coloniale, la France. Ce combat, le CNSP l’a mené sans faiblesse, avec courage et dignité, soutenu en cela par des jeunes qui ont occupé la devanture de l’escadrille pour réclamer la dénonciation des accords militaires avec la France et le départ des troupes militaires françaises. Une farouche dé- termination qui s’est soldée par un succès historique, où les autorités françaises n’avaient de choix que de plier armes et bagages. Dans la même dynamique, l’Alliance des Etats du Sahel (AES) regroupant le Burkina Faso, le Mali et le Niger a été scellée avec comme objectif de mener des opérations militaires conjointes dans la zone de trois frontières et mettre en synergie tous les moyens logistiques et les renseignements pour faire face aux Groupes Armés Non Etatiques qui constituent une menace pour les trois pays.Toutefois, si la volonté souverainiste du peuple nigérien a été satisfaite par le CNSP à ce niveau, il n’en demeure pas moins que la situation sécuritaire sur le terrainreste toujours préoccupante avec la même cadence des assauts meurtriers, notamment dans la région de Tillabéry et dans le nord de la région de Tahoua.Sur le plan de la mal gouvernance, des signaux forts ont cependant été enregistrés. Le texte portant création, composition, missions et fonctionnement de la CoLDEFF avait été très tôt adopté. Les membres de la Commission sont désormais connus. Il ne reste qu’à les envoyer à l’exercice de leurs fonction.
Le dialogue s’est planté
Il faut dire que sur le plan du dialogue national inclusif, la machine s’est totalement grippée. Annoncé depuis le 19 août dernier et devant prendre forme avec les forums régionaux, le dialogue tarde à se concrétiser. A cette date, rares sont les ré- gions qui ont fini les assises régionales de leur dialogue. Sans compter que le texte fondateur du Conseil Consultatif National qui doit être le parlement de transition n’a pas encore été adopté. On ignore encore sa composition, ses attributions et son fonctionnement. L’on n’a pas encore non plus pris l’acte mettant en place le comité chargé d’élaborer les textes fondamentaux de la nouvelle République, principalement la Constitution et le code électoral.Par ailleurs, la nécessité du dialogue ne se fait pas seulement ressentir à l’interne. Le Niger, on le sait ploie sous les sanctions de la CEDEAO, de l’UEMOA et de la Communauté internationale depuis les événements du 26 août2023. Ces sanctions, aux allures d’un embargo total,étouffent le pays déjà enproie à l’insécurité et risquent d’avoir des impactsdurables si le statu quo estmaintenu. Là aussi de nombreuses voix s’élèvent pourdemander des négociationssincères et la désignationd’un médiateur en vue de rentrer en pourparlers avec laCEDEAO pour l’obtention dela levée de ces sanctions asphyxiantes pour le pays. Lesplaidoyers, dans ce sens,émanant des pays amis, desorganisations internationales, des acteurs de la société civile d’ici et d’ailleurs,des acteurs politiques, ontété nombreux. Mais le débutde la réponse tarde à veniraccentuant les inquiétudesdes nigériens qui ont faitpreuve d’une résilience extraordinaire dans ces moments difficiles.Autant dire qu’au bout de 100 jours d’exercice de pouvoir par le CNSP, la machine tarde à se lubrifier. Trop d’hésitations et même souvent de tâtonnements, même si les débuts ont été rassurants. Le bilan est pour l’instant mitigé. La levée des sanctions qui pèsent sur le pays, l’isolement diplomatique du Niger, la mise en place des Institutions devant accompagner la transition et la détermination de sa durée constituent à n’en point douter les signaux forts attendus du CNSP pour prendre de l’envol.
Adoum Boulkassoum