Ils sont actuellement 334 enfants parmi lesquels, 100 filles et 134 ENA (Enfants non Accompagnés) qui ont déposés leurs bagages dans la ville d’Agadez après avoir été expulsés pour la plupart d’entre eux de la Libye, en 2018.
Le rêve de gagner l’Europe via la méditerranée par ces enfants soudanais, camerounais, centrafricains, guinéens et Sierra Léonais s’estompe à Agadez, ville nigérienne, porte de la méditerranée mais aussi de l’Europe.
Traumatisés par les conflits dans leurs pays d’origine et les conditions dans lesquelles ils ont été acheminés jusqu’à Agadez, demander l’asile est le dernier recours pour ces migrants épuisés par leur parcours d’exil.
Face à leur vulnérabilité et conformément à sa mission de protéger les enfants en tout lieu et en toutes circonstances, l’UNICEF avec l’appui de ses partenaires (Union Européenne, UK AID, Ministère de l’intérieur italien et gouvernement du Niger) a porté secours aux enfants réfugiés mais aussi à ceux de la communauté hôte, à travers le projet « renforcement de la protection et de l’éducation pour les réfugiés et les demandeurs d’asile du centre humanitaire et des cases de passages d’Agadez» exécuté par l’ONG INTERSOS.
L’éducation et la protection des enfants demandeurs d’asile et ceux de la communauté hôte ont été véritablement renforcées grâce au partenariat Unicef-PTF-Etat du Niger.
Activités psychosociales et éveil de conscience
Quand il s’agit de protéger les enfants, l’Unicef ne badine pas. L’organisation est toujours sur ses gardes. En plein centre-ville d’Agadez, l’institution onusienne intervient au niveau de deux cases de passage pour la prise en charge psychosociale des enfants et à l’espace ami d’enfants au centre humanitaire. Ce dernier situé à 5 kilomètres de la ville sert de quartier général aux demandeurs d’asile. A cet endroit, les tous petits sont initiés à l’alphabet français et aux activités récréatives avec des jouets, éveil par graphisme et des exercices en mathématiques. La séance conduite par des animateurs parmi lesquels des mamans demandeurs d’asile dure chaque jour de 8h à 13 heures.
Séance de prise en charge psychosociale à la case de passage du quartier Taganlafat
Sefa, l’une des animateurs du jour est réfugiée soudanaise. Avec ses collègues nigériens, ils encadrent une trentaine d’enfants. La facilitatrice communautaire est fière des activités qu’elle mène surtout qu’elle a ses propres enfants qui fréquentent le centre.
«C’est depuis 2018 que je mène des activités d’éveil de conscience au profit des enfants et je suis très heureuse d’accomplir cette tâche. Je remercie L’Unicef et INTERSOS pour leurs appuis », a-t-elle martelée. La prise en charge psychosociale concerne aussi les enfants refoulés d’Algérie. A la case de passage du quartier Tagalanfat, chaque matin avant le début de l’apprentissage, une troupe culturelle locale distrait les enfants par ses prestations artistiques. L’exercice consiste d’amener les enfants à se détendre voire s’exprimer, car suite aux chocs qu’ils ont vécus sur leur chemin d’exil, certains ont perdu l’usage de la parole.
«Nous faisons des activités d’éveil, tels que le chant, la récitation, le graphisme. Nous faisons tout ceci pour que les enfants retrouvent la stabilité », dixit Mariama Idrissa travailleuse sociale à l’ONG INTERSOS.
Ces activités sont très bien accueillies chez les bénéficiaires à l’image de Jasmine Hassane, réfugiée centrafricaine. Prenant la parole au nom de toutes les mères de la case de passage, du haut de ses 30 ans, elle fait de sa sécurité et celle de ses enfants sa priorité.
«Je remercie l’Unicef et INTERSOS pour la prise en charge psychosociale de nos enfants. Mon vœu le plus cher, c’est la sécurité pour moi et mes enfants, que ça soit ici à Agadez ou ailleurs», a affirmé la jeune maman.
Jasmine Hassane réfugiée centrafricaine
Assurant le lead de la protection des enfants dans la région d’Agadez, la Direction Régionale de Protection de l’Enfant (DRPE), par la voix de madame Ati Tamari, travailleuse sociale et point focal du mécanisme de gestion des plaintes de préciser que les activités de prise en charge psychosociale des enfants ont pour but d’amener ces derniers à s’exprimer avant d’évoquer le mécanisme de plainte qui a été mis en place. Cette trouvaille offre aux enfants la possibilité de dénoncer le traitement dont ils font l’objet sur le plan alimentaire, vestimentaire et sécuritaire ; bref sur leur prise en charge de manière globale.
Mme Ati Tamari point focal mécanisme de plainte
Éducation formelle
L’assistance humanitaire aux enfants, c’est aussi leur éducation. A ce niveau, l’Unicef par le biais d’INTERSOS a mis les bouchées-double en assurant non seulement l’éducation mais aussi en créant les conditions d’intégration sociale des enfants demandeurs d’asile. Six (6) établissements accueillent actuellement 70 enfants. Il s’agit de l’école Katanga, l’école Sabon Gari, l’école Mai Adoua, l’école Nassaroua, l’école Tagalanfat et Abzine 2.
A l’école Tagalanfat, les enseignants apprécient les interventions de l’Unicef qui vont de la prise en charge des enfants demandeurs d’asile à la réhabilitation des classes.
Le directeur de cet établissement qui accueille 23 enfants migrants du préscolaire a salué l’intervention de l’Unicef avant d’indiquer que ça n’a pas du tout été facile au début avec les enfants demandeurs asile.
«Avant l’intervention d’INTERSOS, l’école manquait presque de tout: salles de classe, craie, livre etc. Mais aujourd’hui, l’école est dotée de tout ce qu’il faut», s’est réjouie Mme Assalama Ibrahim, membre du COGES.
L’école Mai Adoua qui accueille 20 enfants demandeurs d’asile a bénéficié de la réhabilitation de 3 salles de classes et la construction des deux autres à la satisfaction générale des enseignants et du chef du village.
«J’ai créé cette école avec des arbustes, aujourd’hui elle est en matériaux définitifs. Je remercie l’Unicef pour cet appui», a lâché le chef coutumier.
L’éducation et la protection ont donné d’excellents résultats scolaires. A cela s’ajoute le brassage avec les enfants de la communauté hôte. Makboula Youssouf est élève en classe de CE2 à l’école Katanga. Les 15 ans révolus, la jeune soudanaise dont les parents ont été expulsés de la Libye, est première de sa classe.
«J’ai appris le français. Des amis viennent chez moi et vice-versa. Après mes études, je souhaiterai devenir médecin. Je remercie l’Unicef et INTERSOS qui sont à notre écoute », dixit l’adolescente. Fière de la vie qu’elle mène à Agadez, Makboula a véritablement intégrée la communauté en parlant même une des langues locales.
Makboula Youssef, élève à l'école Katanga
Education non formelle
Les interventions de l’Unicef à travers INTERSOS, c’est aussi la formation des adolescents de 14-17 ans par des écoles passerelles.
Enfants non accompagnés dans une école passerelle au centre humanitaire
Au centre humanitaire, une cinquantaine d’Enfants Non Accompagnés (ENA) exclusivement des garçons suivent une formation dans une école passerelle. Assis sur des tabourets, les regards fixés sur un tableau en chevalier, les adolescents répètent après la formatrice, les noms et mots en français, qu’ils doivent nécessairement apprendre.
«L’objectif de cette formation est de permettre à ces jeunes qui ne comprennent que l’arabe de s’exprimer en français. La formation a débuté en juin et nous leur apprenons juste les mots utiles pour eux », a expliqué Ali Sagé Ibrahim, superviseur éducation à INTERSOS.
Tout comme au centre humanitaire, à la case de protection du quartier Sabon Gari, 14 enfants soudanais non accompagnés de 10 à 13 ans apprennent le français et d’autres activités récréatives.
Trois (3) d’entre eux ont intégrés l’école formelle, à l’instar de Moussa Ousmane Moutassim, jeune soudanais de 11 ans, en classe de CE1 à l’école primaire Sabon Gari.
Moussa Ousmane Moutassim demandeur d'asile Soudanais élève à l'école Sabon Gari
L’air innocent et dans un français approximatif, l’adolescent s’est dit réjoui d’être en sécurité au Niger, chose qu’il cherchait depuis sa fuite du Soudan. Visiblement terrorisé, il rejette l’idée de retourner au pays, où sévit encore l’insécurité. Moutassim veut devenir médecin ou juge.
«Nous remercions l’Unicef qui nous appui sur le plan technique et financier. Nous espérons que le partenariat va se poursuivre dans le cadre de la prise en charge d’enfants demandeurs d’asile», a lancé Mme Delphine Essa, cheffe de base et officier de protection à INTERSOS.
Delphine Essa cheffe protection intersos
Formation professionnelle
En plus de l’école passerelle qu’ils fréquentent, 45 enfants demandeurs d’asile suivent une formation professionnelle au Centre de Formation aux Métiers (CFM) d’Agadez avec leurs condisciples de la communauté hôte. Mécanique auto et moto, électricité bâtiment, couture, informatique, restauration, telles sont les filières choisies par ces jeunes qui envisagent d’avoir un métier et se prendre en charge, un jour.
Actuellement, c’est la 3ème vague avec 80 apprenants parmi lesquels des enfants issus de la communauté hôte, qui sont en formation au CFM.
Boubacar Diakité est arrivé à Agadez en janvier 2020. A 17 ans, cet originaire de la Guinée Conakry apprend la mécanique auto. Dans sa tenue d’apprenti mécanicien, le jeune montait et démontait les pièces d’un moteur de voiture avec aisance, sous l’œil vigilant de son formateur.
«J’apprends la mécanique auto, une fois que je termine ma formation, je veux rester et travailler sur place car je ne souhaite pas retourner chez moi à cause de l’insécurité », souligne Boubacar.
Boubacar Dikiate en plein activité au centre de formation aux métiers
La détermination d’apprendre de Boubacar Diakité impressionne son encadreur. « C’est une personne brave, il assimile tout que ce qu’on lui apprend. Il est déjà inséré dans un garage, il sert de modèle pour les autres enfants », témoigne M. Illo Djibo Mahaman, enseignant au centre de formation aux métiers d’Agadez.
Les enfants de la communauté hôte bénéficient également du soutien de l’Unicef avec la réhabilitation de leurs écoles et leur formation professionnelle.
Native d’Agadez, à 17 ans, Zaliha Ibrahim étudie l’électricité bâtiment. L’adolescente qui est la seule fille dans cette filière explique son choix par son souhait de travailler un jour sur les chantiers de construction des bâtiments.
Zaliha Ibrahim
Mohamed Abeid, jeune soudanais de 17 ans a opté lui aussi pour l’électricité bâtiment. Une fois son attestation de fin de formation en poche, il souhaite quitter Agadez pour d’autres horizons.
«Grâce à ces formations, ces jeunes vont découvrir la vie pratique quand ils seront en stage au niveau des garages de la place », mentionne M. Amani Abdoulaye, directeur du Centre de Formation aux Métiers d’Agadez.
Le projet renforcement de l’éducation et de la protection des enfants demandeurs d’asile et ceux de la communauté hôte prendra fin le 31 juillet 2021. Après 11 mois de mise en œuvre, il a permis de renforcer la résilience de 2577 personnes dont 115 femmes et 2366 enfants et jeunes bénéficiaires directs. Avant l’évaluation finale, les résultats sont là, palpables, probants, en matière d’éducation, de la protection et de l’intégration.
«Nous sommes satisfaits des résultats. Dans le temps, il n’y avait aucun enfant demandeur d’asile dans les écoles mais aujourd’hui la situation est gérée et ces enfants n’ont pas été marginalisés. L’aspect protection a été très bien suivi, les enfants se côtoient et ils sont intégrés », s’est réjoui Ahmed Mahfouz Abdoulbari, responsable volet éducation au niveau de l’ONG INTERSOS.
Côté gouvernement, le projet a répondu aux attentes du fait que les enfants demandeurs d’asile ont eu l’assistance nécessaire dont ils ont besoin. L’éducation et la protection dont tout enfant à droit du fait tout simplement de son statut d’être humain fragile et vulnérable ont été assurées », s’est félicité M. Abdoulrazak Mamane Issaka, chef service communal du développement communautaire et de l’Aménagement du territoire d’Agadez.
Grâce à ce projet, ce sont 72 encadreurs dont 58 enseignants du primaire et préscolaire incluant 50 femmes, 9 encadreurs communautaires et 5 enseignants de langue qui ont été formés. Ces renforcements des capacités ont été appréciés par M. Ali Mahaman, l’inspecteur de l’enseignement primaire de la commune I d’Agadez, assurant l’intérim du Directeur Régional de l’Education Nationale (DREN).
Ali Mahaman, Inspecteur de l'enseignement primaire
Tout en sachant que le Niger n’est pas leur destination de choix, la majorité des réfugiés résidents à Agadez font de leur sécurité, la condition sine qua none pour rester dans un pays.
Ibrahim Moussa,
Envoyé spécial