Déclaration des organisations dirigées par les jeunes Filles et jeunes Femmes du Nige
C'est avec effroi que nous avons appris qu'une jeune fille Nazira âgée de 16 ans, élève au niveau crollège s'est donnée la mort dans la commune de Matameye, département de Kantché, région de Zinder, le vendredi 10 Mars 2023. Nous sommes profondément attristées par la perte tragique de la vie de notre jeune sœur qui a été victime de mariage d'enfants, mariage forcé. Nous adressons nos sincères condoléances à sa famille et à ses proches, en leur offrant notre soutien en ces temps difficiles.
Nous, jeunes filles et femmes activistes pour la promotion des droits des filles et des femmes, sommes indignées par ce qui est arrivé. Comment pouvons- nous expliquer que de tels drames arrivent encore au 21ème siècle ? Le mariage est un acte béni de Dieu, mais il y a des conditions préalables et une des conditions essentielles c'est d'abord le consentement des personnes concernées.
Nazira ne voulait pas de ce mariage, elle avait des rêves comme toutes les jeunes filles de son âge. Comment comprendre que son propre père, qui est censé lui apporter le soutien et la protection nécessaire pour son épanouissement puisse prendre une décision qui coûta la vie à sa fille ?
Chers parents, ce que nous attendons de vous, c'est de nous faire confiance, nous écouter, nous guider en tenant compte de nos avis. La communication doit être dans les deux sens. Nous, les filles, avons aussi les capacités de réfléchir et donner notre avis sur ce qui nous concerne.
Nous voulons interpeller le Gouvernement qui a pris un engagement devant tous les Etats du monde et les Etats africains en ratifiant un certain nombre de traités et conventions devant garantir les droits à tous les enfants du Niger, il s'agit notamment de:
- La Convention relative aux Droits de l'Enfant (CDE)
- La Charte Africaine des droits et bien-être de l'enfant
Malgré cet engagement politique fort, les enfants nigériens font face à plusieurs défis dans la réalisation de leurs droits et particulièrement ceux des filles. En effet, les enquêtes ont montré qu'au Niger 7 filles sur 10 sont mariées avant leur dix-huitième anniversaire, alors qu'elles devraient être à l'école. Nazira faisait partie de ces statistiques et aujourd'hui elle fait partie des statistiques de mortalité des adolescentes.
Nous disons que c'est un décès de trop ! C'est une grosse perte pour notre pays, nos communautés et nos villages. Pour se développer, un pays a besoin de la contribution de toutes et de tous, alors donner la chance de mieux contribuer au développement de notre pays en nous protégeant de tout abus !
Nous, organisations de la société civile dirigées par les jeunes filles et les femmes, faisons la déclaration dont la teneur suit :
1. condamnons avec la dernière énergie ce drame qui révèle les réalités de la vie des filles au Niger ;
2. appelons les autorités locales et les organisations de la société civile ainsi que les Partenaires Techniques et Financiers accréditer au Niger à intensifier leurs efforts pour sensibiliser les communautés sur les dangers du mariage des enfants, mariage forcé. 3. demandons également la mise en place de mécanismes de protection pour les filles et les femmes vulnérables, afin de prévenir les mariages forcés et de protéger les victimes ;
4. nous exhortons le gouvernement à adopter des lois et des politiques qui garantissent les droits fondamentaux des femmes et des filles, y compris le droit à l'éducation, à la santé et à l'autonomisation économique. Nous devons travailler ensemble pour créer un environnement où les femmes et les filles peuvent réaliser leur plein potentiel et vivre leur vie en toute liberté et en toute sécurité ;
5. demandons au Gouvernement, et au PR, Chef de l'ETAT son excellence Monsieur, Bazoum Mohamed, de mettre en œuvre sans retard, par tous les moyens appropriés, une politique visant à éliminer les violences à l'égard des femmes et de filles et, à cet effet :
- ratifier la charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes;
- inscrire dans le code pénal actuellement en révision des articles clairs et explicites pour interdire et réprimer tous les actes qui constituent des violences à l'égard des enfants et des femmes y compris le mariage des enfants, mariage force;
- procéder à la révision de l'article 144 du code civil relatif à l'âge du mariage pour que les filles et les garçons bénéficient des mêmes mesures de protection conformément aux engagements africains et internationaux pris par le Niger;
- élaborer et mettre en œuvre dans le cadre du nouveau PDES un programme visant à l'élimination des violences faites aux femmes et aux filles et les pratiques néfastes
6. Demandons aux autorités compétentes de rendre justice à Nazira en arrêtant les auteurs, coauteurs et complices qui ont poussé cette jeune fille innocente à mettre fin à sa vie. Si personne n'a pu la protéger de son vivant, elle mérite au moins cette justice. Toutes les victimes méritent cette justice.
7. Rappelons à nos parents, qu'ils restent et demeurent les premiers protecteurs de l'enfant. Vous devez nous aimer et nous chérir, nous donner une bonne éducation, nous soutenir dans nos choix de vie pour nous garantir un avenir sûr et responsable. Nous avons besoin de votre amour autant que de votre soutien dans nos choix pour réaliser nos rêves ;
8. Informons l'opinion nationale et internationale que ce drame est un de trop, que ce soit le dernier n'est pas une option. C'est pourquoi nous allons poursuivre la mobilisation jusqu'à la satisfaction de nos points de revendication.
Nous sommes toutes Nazira!
Nos vies comptent !
Nos avis comptent ! Les filles comptent dans un pays !