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Culture : la responsabilité sociale de l’écrivain

septembre 12, 2021 0 1197

 

 

S'il est difficile de conclure au déclin de la théorie de l'art pour l'art, il est manifeste que ses partisans ont diminué. L'écrivain, comme tout artiste, poursuit des objectifs qui sont autant de fonctions, à lui assignées. L'esthétique – la beauté du style et la structure du texte – n’est pas but en soi. C’est, tout au plus, un agrément qui assure un lectorat en même temps qu'il révèle le génie artistique. Il en est de même pour la littérature orale, qui conserve et diffuse des valeurs communautaires.

C'est presqu'une évidence. Le conteur et le griot, en effet, ne se contentent pas d'être éloquents.

Ils le sont pour toucher les coeurs, et y graver le message. La littérature n’a de sens que, par son contenu. Du reste, fondamentalement, l'écrivain n'est pas neutre. Son métier en fait un agent, au service la collectivité. D'où sa responsabilité sociale, qui l’oblige à endosser plusieurs «costumes», comme en témoigne les lignes qui suivent.

Analyste des mœurs. La culture est communication, inter et intrasociale.

Comme telle, elle s’affirme et se consolide en s’exprimant, voire en s’exportant grâce notamment à la littérature.

C’est elle qui, par-delà les langues, les frontières et les siècles, en livre le contenu. De ce point de vue, l’écrivain doit prendre connaissance des mœurs sociales, les analyser, les approuver, éventuellement, en souligner les méfaits. Car, dire de l’écrivain qu’il remplit une fonction sociale, n’en fait pas un soutien inconditionnel, un servile servant de sa communauté.

Celle-ci, à un moment donné, peut s’écarter de ses propres normes. Il appartient donc à l’auteur d’user de sa prose, pour interpeller.

Autant, il faut saluer les auteurs de la Négritude, autant il faut féliciter ceux qui dénoncent l’excision, l’esclavage, le mariage forcée, l’intolérance religieuse etc. L’écrivain doit d’autant plus dénoncer les tares communautaires, qu’il est interne à la société. L’opinion, chatouilleuse, a vite fait d’accuser les critiques extérieurs, de racisme, de paternalisme et ce qui va

Avec.

Propagateur d’idées. La psychanalyse trouve plusieurs mobiles à la production littéraire. Parmi ceux-ci, l’on cite le désir de partage. En Afrique particulièrement, où on est homme de mémoire et de parole, le recours à la plume résulte, parfois, de mille et une sollicitations.

Beaucoup d’intellectuels et de sages sont rétifs à l’écriture, pour «éviter d’être au-devant de la scène». Mais, si tôt qu’on invoque la nécessite de transmettre les idées à la postérité, les voilà consentants ! Par conséquent, l’écrivain assume aussi un rôle de propagation d’idées (politiques, scientifiques, économiques, militaires etc.). Ce faisant, il arme intellectuellement les siens, les prévient de l’obscurantisme et du complexe d’infériorité.

«N’écrivons pas pour satisfaire d’abord le goût des lecteurs [...], ni pour chercher [...] leurs applaudissements, mais écrivons plutôt pour être utiles [...] à nos compatriotes, pour éveiller [...] les esprits ». (Mgr Camille Roy, Propos sur nos écrivains).

L’écrivain est un marchand de grandeur.

Autorité morale. Parce qu’il contribue à l’épanouissement individuel, et à la grandeur nationale, parce qu’il se mêle des choses de l’esprit, l’écrivain jouit d’un prestige quasi religieux.

Son nom suscite le respect, ses positions, rarement, en tous cas, élégamment contredites. Bien souvent, même les tribunaux ferment les yeux sur ses écarts. Son génie personnel, en fait une sorte d’autorité morale. Sans être un homme de parti, l’homme de plume prend opportunément position dans les grands débats qui agitent la société. Son silence est blâmable, impardonnable.

On l’accuse de complicité passive ! On exige qu’il sorte de la théorie, au moins circonstanciellement, pour défendre des impératifs de justice. C’est aussi, pour l’écrivain, l’occasion de prouver que le métier des lettres ne dévirilise pas.

Enfin de compte, on aura compris que la neutralité auctoriale n'existe pas. La littérature engage ceux qui s'y adonnent. Ses instances de légitimation (la critique et l’historiographie littéraires, les monographies académiques notamment) en attestent.

Abdoul De Soudani

Dernière modification le dimanche, 12 septembre 2021 19:06

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