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Crise nigérienne : La diplomatie rigide du Niger éloigne toute perspective de médiation

Plus les jours passent, plus des voix s’élèvent à l’interne comme à l’externe pour demander l’ouverture d’une mé- diation dans la crise qui secoue le Niger depuis le 26 juillet 2023. La voie diplomatique a été privilégiée dès les premiers jours de la tentative du coup d’état par des pays comme l’Algérie qui s’opposait fermement à l’éventualité d’une intervention militaire pour le retour à l’ordre constitutionnel et démocratique au Niger, estimant qu’elle serait ‘’une menace directe pour l’Algérie’’ et déstabilisatrice pour toute la sous-région du sahel en proie déjà à de nombreux défis sécuritaires. La suspension de l’offre de médiation algérienne après ce que le Premier Ministre nigérien de la transition, Ali Mahamane Lamine Zeine a qualifié ‘’d’incompréhension’’ et de ‘’manipulation’’ relativement au communiqué de presse annonçant l’acceptation de celle-ci par le Niger, éloigne le mince espoir nourri par les nigériens qui espèrent un début de négociations en vue d’une levée des lourdes sanctions de la CEDEAO qui asphyxient le pays depuis le 30 juillet 2023. Il faut dire que depuis les événements du 26 juillet, une diplomatie rigide voire agressive, largement inspirée par certains mouvements souverainistes, a entrainé les autorités de transition à engager un bras de fer ou des polémiques avec des pays voisins, des partenaires au développement et des Institutions Internationales qui compliquent davantage la situation précaire du pays et éloigne une piste de sortie de crise tant attendue par les nigériens qui ressentent profondément les effets des sanctions de la CEDEAO.

Malgré la ferme condamnation de la tentative de putsch du 26 juillet 2023, beaucoup de pays amis du Niger ont vite préconisé une voie pacifique passant par des négociations pour une sortie de crise. L’organisation communautaire Ouest-Africaine, la CEDEAO, a entamé dans ce cadre une médiation qui reste jusqu’aujourd’hui infructueuse pour ne pas dire totalement bloquée. Depuis pratiquement un mois aucun émissaire de la CEDEAO n’a été reçu par les autorités de transition nigérienne dans le cadre de ladite mé- diation. L’espoir que présentait la médiation algérienne pour une sortie de crise n’a pas non plus prospéré pendant que les Etats-Unis d’Amérique très réservés depuis le début de la crise décident enfin de qualifier les événements du 26 juillet 2023 en parlant formellement de ‘’coup d’Etat’’ et en annonçant la suspension de leur aide économique.

La médiation algérienne en stand-by

Elle était présentée dans beaucoup de milieux diplomatique comme la voie privilégiée pour une sortie de crise surtout dans le contexte du blocage de la médiation de la CEDEAO par rapport à laquelle les autorités de transition étaient très réservées au regard des sanctions lourdes et précipitées prises par l’Institution communautaire. Du reste, la CEDEAO, elle-même semblait favorable à un certain moment à des pourparlers dans un pays non membre de la communauté et l’Algérie pré- sentait toutes les garanties d’assurer ce rôle délicat au regard de ses prises de position relativement aux événements du 26 juillet et de ses relations avec le Niger.Du reste, un communiqué du Ministère des Affaires Etrangères Algérien en date du 02 octobre 2023, annon- çait que la médiation algérienne avait été acceptée par les autorités nigé- riennes de la transition. Mais dans un point de presse au lendemain de cette annonce, le Premier Ministre Mahamane Lamine Zeine dira presque tout le contraire : ‘’pour le cas de l’Algérie, il y a eu très certainement une incompréhension’’. ‘’Ce n’est pas parce que nous sommes dans une situation difficile qu’on peut -et permettez-moi ceterme car je mesure ce que je disnous manipuler’’, avait-il conclu au sujet du communiqué de presse du Ministère des affaires étrangères annonçant l’acceptation de la médiation algérienne par les autorités nigé- riennes de transition.Une position qui n’a pas manqué de choquer la partie algérienne qui, dans un communiqué en date du 09 octobre rappellera avoir été saisi le 27 septembre 2023 par les autorités nigériennes par lettre officielle de leur acceptation de la médiation algérienne dans la crise politique, institutionnelle et constitutionnelle à laquelle le Niger est confrontée.L’Algérie de souligner que les échanges engagés avec les autorités nigériennes sur les discussions préparatoires à la médiation algérienne ‘’n’ont pas été concluants sur deux sujets’’. Le communiqué d’ajouter ‘’de même des déclarations officielles et publiques d’autorités nigériennes ont suscité des interrogations légitimes quant à leur disposition réelle à donner suite à leur acceptation de la mé- diation algérienne’’.Pour toutes ces raisons, le gouvernement algérien a ‘’décidé de surseoir à l’engagement des discussions préparatoires envisagées jusqu’à l’obtention des clarifications qu’il estime nécessaires au sujet de la mise en œuvre de la médiation algérienne’’.La porte se referme de la médiation se referme ainsi, du moins pour l’instant, en attendant des clarifications de la partie nigérienne.

Les USA parlent enfin de ‘’coup d’Etat’

Les Etats Unis d’Amérique, prudents dans leur position, depuis les événements du 26 juillet 2023, ont laissé la place à la voie de négociation espérant un retour rapide à l’ordre constitutionnel et démocratique. Dans ce cadre, après l’échec des tentatives des émissaires de la CEDEAO, ils ont envoyé des délégations de haut niveau pour échanger avec les nouvelles autorités de Niamey en vue d’une sortie pacifique de la crise. Les Etats Unis qui estimaient que le Niger était toujours dans une phase ‘’de tentative de coup d’Etat’’ et de ‘’prise d’otage’’ du Président Mohamed Bazoum se sont également rapprochés de la proposition de la médiation algérienne.Le 11 octobre 2023, dans un communiqué de presse de l’Ambassade des USA au Niger, ‘’les Etats Unis ont conclu qu’un coup d’État militaire a eu lieu au Niger. Conformément à la section 7008 de la loi annuelle sur les cré- dits du Département d’État, les États-Unis suspendent la majeure partie de leur aide au gouvernement du Niger.Toutefois, les Etats Unis soulignent maintenir leur aide humanitaire, alimentaire et sanitaire, qui permet de sauver des vies, pour le bien du peuple nigérien. Les États-Unis entendent également poursuivre leur collaboration avec les gouvernements de la ré- gion, y compris le Niger, pour faire avancer leurs intérêts communs en Afrique de l’Ouest, note le communiqué.‘’Nous sommes solidaires au peuple nigérien dans ses aspirations à la dé- mocratie, à la prospérité et à la stabilité’’ a précisé le communiqué qui note que ‘’Depuis le coup d’État, nous soutenons l’action de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui cherche à travailler avec le Niger en vue de parvenir au rétablissement d’un régime démocratique. Toute reprise de l’aide des États-Unis est subordonnée à la prise par le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie de mesures propres à instaurer une gouvernance démocratique dans les meilleurs délais et de manière crédible’’.Les États-Unis réitèrent également leur appel à la libération de Mohamed Bazoum, de sa famille et de toutes les personnes détenues.Il faut dire que ce changement de cap des Etats Unis est intervenu suite à la réplique des autorités nigériennes de transition sur la médiation algérienne.

72 heures pour laReprésentante Résidente des Nations Unies pour quitter Niamey

En représailles aux obstacles rencontrés par le Ministre des affaires étrangères nigérien lors de la 78ème session de l’Assemblée Générale de l’ONU au cours du mois de septembre dernier, les autorités de transition viennent d’ordonner, dans une lettre en date du 10 octobre 2023 à ‘’l’Ambassadeur coordonnateur Résident du Système des Nations Unies, Son Excellence Madame Louise Aubin de prendre toutes les dispositions utiles pour quitter Niamey sous soixantedouze heures (72 H00)’’.Expliquant les raisons de cette décision, le Ministre des Affaires Etrangères nigérien dans la correspondance adressée au Secrétaire Général de l’ONU indique que le CNSP et le Gouvernement disent avoir ‘’noté avec stupéfaction, les manœuvres sournoises que le Secrétaire Général des Nations Unies continue d’orchestrer sous l’instigation de la France, à travers toutes les entraves déjà posées en vue de contrecarrer la participation pleine et entière du Niger aux diffé- rentes séquences des réunions de la 78ème session de l’Assemblée Géné- rale de l’ONU. La lettre de mentionner également de la poursuite de ‘’sabotage commandité’’ à l’occasion de la Conférence Générale de l’AIEA du 25 au 29 septembre 2023, à Vienne et au 4ème congrès extraordinaire de l’Union Postale Universelle (UPU du 1er au 5 octobre 2023 à Riyad (Royaume d’Arabie Saoudite).

Une diplomatie favorable à l’isolement

Depuis les événements du 26 juillet 2023, les autorités de transition battent les cartes pour des nouvelles alliances essentiellement guidées par l’élan souverainiste dans lequel ils se sont inscrits et dans le cadre de la lutte contre l’insécurité.Dans ce cadre, les soutiens du CNSP ont vite fait d’indiquer la voie à suivre. La France de Macron fut la première cible à travers sa présence militaire au Niger dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Dénonciation des accords militaires, demande départ de l’Ambassadeur de France au Niger, dé- part des forces militaires françaises, le tout appuyé par des manifestations quasi permanentes à l’escadrille ainsi qu’à l’ambassade de France et des échanges virulents entre les deux pays ont fini par faire capituler la France qui a plié armes et bagages pour s’incliner face à la pression du CNSP et des jeunes nigériens qui s’inscrivaient dans une lutte néocoloniale, souverainiste et patriotique. Dans la même dynamique un rapprochement sera initié entre les trois Etats de la zone des trois frontières (Burkina Faso, Niger, Mali) tous affectés par la menace des assauts des groupes armés terroristes avec la création de l’Alliance des Etats du Sahel (AES)Toutefois en dehors de ces deux pays, au niveau de l’espace CEDEAO, la diplomatie nigérienne a été particulièrement agressive surtout à l’endroit du Bénin voisin soupçonné de connivence avec les français, avec lequel les autorités de transition ont dénoncé des accords de coopération militaires. Il faut dire que les soutiens au CNSP ont stigmatisé les autorités des pays qui avaient été très rigides dans la prise des lourdes sanctions de la CEDEAO et l’UEMOA à l’endroit du Niger après les événements du 26 juillet 2023. Les autorités du Benin, du Nigeria, de la côte d’Ivoire et du Sénégal qui avaient décidé en réponse à la dé- cision de la CEDEAO de constituer une force en attente dans l’éventualité d’une intervention militaire au Niger sont mal vus par les souverainistes qui les considèrent comme ‘’des suppôts’’ de la France.Par ailleurs, dans la vague des événements du 26 juillet 2023, beaucoup de pays, notamment ceux de l’Union Européenne avaient suspendu leurs appuis au Niger, en attendant de voir l’évolution de la situation. La diplomatie quelque peu belliqueuse des autorités nigériennes de transition que d’aucun placent sous le principe de réciprocité n’est guère favorable à une médiation qui puisse non seulement déboucher sur la levée des sanctions qui frappent le Niger mais aussi sur le retour du pays à l’ordre démocratique et constitutionnel.Dans ces moments difficiles le Niger a plus que besoin d’alliés avec pour premier objectif d’obtenir la levée de toutes les lourdes sanctions étouffantes qui pèsent sur les populations déjà durement éprouvées. Cela est un impératif que l’on a tendance à perdre de vue alors les produits de première nécessité commencent à se faire rares et la paralysie des banques et de l’économie nationale s’aggrave du fait de cette posture rigide et inflexible qui éloigne toute perspective de médiation.

Adoum Boulkassoum

Dernière modification le vendredi, 13 octobre 2023 19:43

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