Trois mois après l’installation du Conseil National pour la Sauvegarde la Patrie (CNSP) aux commandes de l’Etat, aucun dialogue ou médiation n’est concrètement en cours entre les militaires au pouvoir à Niamey et la CEDEAO qui a pris une batterie de sanctions à l’endroit du Niger depuis le sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Institution communautaire tenu à Abuja le 30 juillet 2023. La médiation entamée par l’ancien Chef d’Etat du Nigeria le Général Abdul Salami Aboubakar est restée au point mort. Celle proposée par la République d’Algérie a tourné court. Et pourtant, certains officiels nigériens continuent à déclarer que les ponts ne sont pas rompus avec la CEDEAO et que les négociations se poursuivent. En tout cas, pas par le canal officiel ! Puisqu’aucune délégation de la CEDEAO n’a été aperçue à Niamey et aucune du Niger non plus n’a été aperçue à Abuja ces derniers jours. Pendant ce temps la guerre des nerfs se poursuit entre les autorités militaires de transition qui accusent la CEDEAO d’avoir pris des mesures ‘’injustes’’, ‘’inhumaines’’ et ‘’illégales’’ à l’endroit du Niger, tandis que la CEDEAO, sans grande conviction maintient sa menace d’une intervention militaire, malgré la démobilisation des troupes mises en alerte à cet effet. S’achemine-ton vers l’ouverture du dialogue avec la CEDEAO avec cette page qui se referme ?
La page de l’intervention militaire se referme….
La page de l’alternative d’une intervention militaire de la CEDEAO, pour libérer le Président déchu Mohamed Bazoum et ré- tablir l’ordre constitutionnel, semble être définitivement tournée. Au niveau de la CEDEAO comme au niveau des Chefs d’Etat très engagés au départ dans cette option, le réalisme a prévalu. Personne ne croit plus à cette option radicale qu’on a fait planer, durant plusieurs semaines, à travers communiqués de l’Institution communautaire et interviews de certains responsables de la CEDEAO qui faisaient peser, comme une épée de Damoclès, une guerre imminente sur le Niger. Une option qui a contribué à cristalliser les tensions et des réactions de réprobation au sein de l’opinion publique nationale et de diverses opinions africaines. L’Institution communautaire déjà en mal de popularité a fini par se discréditer auprès des peuples de la communauté qui n’arrivaient pas à admettre que la CEDEAO soit porteuse de guerre et non de paix. A en croire un reportage de RFI sur la question, l’heure est à la démobilisation des troupes en attente mobilisées à cet effet. Ce qui laisse place à l’unique option raisonnable et durable pour le retour à l’ordre démocratique et constitutionnel au Niger, celle de l’ouverture des négociations.Le Dialogue de sourd…La véritable guerre de nerfs qui a duré plus de deux mois fait donc place à la voie diplomatique longtemps préconisée par de nombreuses voix dès les premiers jours du coup d’Etat. Le Premier Ministre Ali Mahamane Lamine Zeine de la transition avait laissé entendre dès le début de sa prise de fonction que le dialogue avec la CEDEAO n’est pas rompu. Il a réitéré la volonté du gouvernement de transition à aller dans ce sens dans une interview accordée à la BBC. Ré- cemment encore dans une interview accordée à TV5 Monde et RFI le Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur nigérien, le Général Mohamed Toumba Boubacar a laissé entendre que le Gouvernement entend renouer le dialogue avec la CEDEAO.Toutefois, si les autorités nigé- riennes de transition continuent à clamer dans certaines interviews que les négociations avec la CEDEAO sont en cours, rien n’indique des pourparlers officiels avec l’institution communautaire. Depuis plus d’un mois, personne n’a vu une dé- légation de la CEDEAO atterrir au Niger ni une délégation nigérienne aller à Abuja pour des négociations.Cependant certaines sources rapportent quelques interventions informelles menées par certaines personnalités nigé- riennes non mandatées, notamment avec des responsables politiques du nord du Nigeria pour obtenirune levée des sanctions de la CEDEAO. De même, le Togo et le Tchad semblent être des canaux qui faciliteraient des contacts avec certains chefs d’Etat de la CEDEAO par rapport à la situation critique que vit le Niger durement affecté par les sanctions de l’organisation communautaire.Dans certains milieux de l’institution communautaire, on parle même de la vive préoccupation de certains Chefs d’Etat de la CEDEAO qui redoutent une détérioration des conditions de vie surtout au niveau des pays membres de l’UEMOA. Certains chefs d’Etat comme Macky Sall du Sénégal et Faure Yassingbé plaideraient pour la tenue d’un sommet extraordinaire en vue de plancher sur l’impact des mesures de représailles prises par l’UEMOA et qui pourraient affecter l’économie des pays membres.
Les facteurs de blocage
L’un dans l’autre, on n’est pas encore officiellement dans les négociations pour obtenir la levée de toutes les sanctions. Mais la volonté y est, laisse-ton entendre. Ce qui semble bloquer les négociations, c’est les préalables de part et d’autre. Dès le départ, l’on se rappelle, la CEDEAO avait fait de ‘’la libération immédiate du Président Bazoum et de son rétablissement dans ses fonctions officielles’’ son préalable. La junte au pouvoir à Niamey quant à elle a posé comme conditions à toute négociation la levée des sanctions illégales et injustes prises par la CEDEAO à l’encontre du Niger. Une transition de six (6) mois ou neuf (9) mois semble être aussi un point de cristallisation au niveau des autorités du CNSP qui trouvent irréaliste un tel délai pour une transition qui s’inscrit dans le cadre d’une refondation de la République.Les négociations sont incontournables pour une sortie de crise…Bientôt la fin du mois d’octobre qui bouclera trois mois de sacrifices et de résilience pour les nigériens qui subissent de plein fouet les effets des sanctions économiques et financières de la CEDEAO et de l’UEMOA. Les denrées alimentaires se font rares sur les marchés et quand elles sont accessibles elles coûtent très chères en raison de la fermeture des frontières du Bénin et du Nigeria, deux grands voisins du Niger qui appliquent à la lettre les décisions prises par le sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO. Dans le même cadre, le système bancaire reste encore paralysé accentuant la situation de précarité de nombreux fonctionnaires qui peinent à accéder à leurs salaires ainsi que de nombreux opérateurs économiques qui ne parviennent pas à accéder à leurs dé- pôts pour se ravitailler. Ce sont là des raisons objectives qui poussent certaines voix partout sur le continent à plaider pour la levée des sanctions asphyxiantes prises par la CEDEAO.En dehors de la situation difficile que vivent les nigériens, l’isolement diplomatique contribue à étouffer la voix du Niger qui a peu de tribunes pour s’exprimer et se faire écouter. Une raison de plus qui doit amener le CNSP et la CEDEAO à se surpasser, à dominer l’orgueil ou la faiblesse de croire que s’asseoir autour d’une table serait un acte de défaite ou de capitulation. Pour une sortie de crise, il n’y a pas mille voies. Il n’y a que les négociations et le dialogue pour le grand bonheur des peuples des pays membres de la communauté (CEDEAO) qui partout ont manifesté leur solidarité à l’endroit du peuple nigérien.
Adoum Boulkassoum