Le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’Union Africaine a tenu sa 1180ème réunion le 23 octobre 2023 qui a planché, entre autres, sur la situation en République du Niger, née des événements du 26 juillet 2023 qui ont renversé le régime de la 7ème République. Dans le communiqué public issu de cette réunion, le CPS qui s’est aligné au départ sur la position de la CEDEAO, abandonne la ligne rigide de l’organisation communautaire ouest africaine qui a longtemps fait planer le recours à une intervention militaire dans la résolution de la crise nigérienne. Une reconnaissance de fait des autorités de transition se dégage également du communiqué qui appelle ‘’à un retour rapide à l'ordre constitutionnel au Niger’’. Ce changement de cap de l’Union Africaine à travers le Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA intervient après la révision de la position des Etats Unis d’Amérique qui reconnaissent désormais le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), le nouvel Exécutif militaire nigérien militaire qui a renversé le Président Mohamed Bazoum et la démobilisation des troupes militaires de la CEDEAO en alerte. Place donc à la diplomatie et aux négociations ! La balle est désormais dans le camp du Conseil National pour la Souveraineté de la Patrie (CNSP) qui doit donner des preuves supplémentaires de son engagement à aller vers une transition pour un retour rapide à l’ordre démocratique et constitutionne.
Les appels à un règlement pacifique de la crise politique nigérienne se multiplient de même que les positions diplomatiques évoluent. Les Etats Unis d'Amérique alignés sur la position de la CEDEAO au début de la crise ont fini par fléchir. Le pays de l’oncle Sam reconnait désormais que «le Président Bazoum a été déposé» et c'est «le CNSP qui dirige le Niger». C’était à travers une confé- rence de presse, le jeudi 26 Octobre 2023, que la Secré- taire d'Etat américaine adjointe, chargée des affaires africaines, Mme Molly Phee a fait l’annonce. Ce changement de ton des USA par rapport aux événements du 26 juillet 2023, en rupture totale avec la position de l’Union Européenne, semble être aussi le détonateur d’une décrispation dans les rapports tendus entre les autorités nigériennes de transition et les responsables de la CEDEAO et ouvre la voie à la révision des positions des Etats et des Organisations régionales et Internationales sur le coup d’Etat du 26 juillet 2023 au Niger Le CPS de l’Union Africaine, Organe décisionnel permanent pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits de l’Union Africaine, qui a tenu une réunion le 23 octobre dernier a également assoupli sa position qui est en totale rupture avec l’intervention militaire prêchée par la CEDEAO et l’embargo totale décrétée à l’endroit du Niger depuis le 30 juillet 2023. Les mots utilisés par le CPS de l’U.A dans son communiqué sont pesés et soupesés pour ne provoquer aucun choc ou aucune mé- fiance des autorités nigé- riennes de transition. Dans le communiqué sanctionnant les travaux du CPS de l’UA, se dégage une reconnaissance de fait des autorités nigériennes de transition. Le CPS ‘’Se félicite des efforts déployés par la CEDEAO en vue de trouver une solution pacifique à la crise au Niger et encourage les autorités de la transition à coopérer pleinement avec la CEDEAO et l'UA dans leurs efforts visant à rétablir rapidement l'ordre constitutionnel’’ entonne le communiqué rendu public le 31 octobre 2023. Le CPS ‘’Souligne la nécessité impérieuse de déployer des efforts diplomatiques soutenus en vue d'une médiation pour régler la crise au Niger, et souligne en outre la nécessité pour les autorités de la transition de créer les condi tions favorables à un dialogue national sans exclusive, avec la participation de toutes les couches de la société ‘’ poursuit le communiqué. Toutefois, le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine veut voir clair. Il attend des autorités nigériennes de transition l’adoption d’’’un calendrier pratique et assorti d'échéances précises pour la mise en œuvre du plan de transition’’ dont il déplore l’absence. En outre, le CPS ‘’demande à la Commission de l'UA de nommer rapidement un représentant de haut niveau pour le Niger et de dépêcher une mission de haut niveau au Niger afin de déterminer les besoins du gouvernement de la transition pour le retour à l'ordre constitutionnel et la mise en place d'institutions transitoires pour superviser la transition, ainsi que d'aider le gouvernement de la transition à œuvrer à l'organisation d'un dialogue national en vue d'une paix durable dans le pays, et souligne l'importance pour le représentant de haut niveau de travailler en étroite collaboration avec la CEDEAO et de tenir le Conseil régulièrement informé de l'évolution de la situation’’. Egalement, le CPS ‘’réitère sa demande de libération immé- diate et sans condition de S.E.M le Président Mohamed Bazoum et de tous les autres détenus, ainsi que le respect de leurs droits fondamentaux, y compris la protection de leur santé et de leur intégrité physique’’.
Un appel pressant à la CEDEAO pour l’allègement de ses sanctions
La CEDEAO reste au centre du dispositif préconisé par le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine. Outre le fait le CPS appelle les autorités de transition à coopérer pleinement avec elle pour une sortie de crise, il se également ‘’préoccupé par la situation humanitaire au Niger et par l'évolution de la situation en ce qui concerne la mise en place d'un couloir humanitaire dans le pays. A cet égard, il exhorte les autorités de la transition à coopé- rer pleinement avec la CEDEAO et à assurer l'accès humanitaire afin d'alléger les souffrances des populations touchées. De même le CPS de l’UA appelle, ‘’la CEDEAO à veiller à ce que les effets des sanctions sur les populations nigériennes soient réduits au minimum’’. Un appel qui sonne comme une interpellation face aux lourdes sanctions décidées par la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernement de la CEDEAO au lendemain des événements du 26 juillet 2023. Les États membres de l'UA et la communauté internationale sont également invités à redoubler d'efforts pour mobiliser l'aide humanitaire en faveur du Niger et de l'ensemble de la région du Sahel. Une mission de terrain au Niger afin d'échanger avec les différentes parties prenantes sur les situations respectives et les plans de retour à l'ordre constitutionnel est envisagée par le CPS de l’Union Africaine. La CEDEAO et les autorités nigériennes de transition sont donc renvoyées face à face. De chaque partie, le CPS qui semble avoir pris le devant de la scène en demandant à la Commission de l'UA de nommer rapidement un représentant de haut niveau pour le Niger et de dépêcher une mission de haut niveau au Niger attend des progrès et des avancées qui conduiront non seulement à la levée des sanctions qui frappent le Niger mais aussi les conditions d’un retour à l’ordre démocratique et constitutionnel.
Adoum Boulkassoum