Conformément à l’Ordonnance 2023-09 du 13 septembre 2023 les membres de la Commission de Lutte contre la Délinquance économique, Financière et fiscale (CoLDEFF) ont prêté serment ce jeudi 16 novembre 2023. Cette commission dont les membres ont été nommés le 31 octobre 2023 a subi un toilettage suite aux dénonciations de certaines personnalités qui avaient maille à partir de la justice. Huit (8) membres de la CoLDEFF, en effet, avaient été remplacés avant cette cérémonie de presta tion de serment. Une avancée notoire dans la marche de la transition du Conseil National pour la Sauvegarde de la Démocratie dont le Chef, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani, avait annoncé sa volonté de lutter contre la mal gouvernance, en particulier la corruption et les malversations financières. Renvoyés à l’exercice de leur fonction par le Président du CNSP, les membres de la CoLDEFF ont un grand défi à relever pour répondre aux attentes pressantes des nigériens.
Il faut rappeler que les membres de la Commission de Lutte contre la Délinquance Financière et Fiscale (CoLDEFFE) au nombre de trentecinq (35) ont essentiellement pour missions de : mener des investigations sur tous les faits de délinquance économique, financière et fiscale sur l’ensemble du territoire national ;
- Recevoir et traiter les rapports d’enquêtes économiques, financières et fiscales et les procès-verbaux de passation de service ;
- Exploiter les rapports d’audit circonstanciés ;
- Recouvrer les avoirs dus à l’Etat et ses démembrements
- Formuler des recommandations aux autorités compé- tentes.
Il s’agit là d’une lourde mission qui pèse dorénavant sur les épaules des membres de cette institution qui ont juré sur le livre saint de leur confession d’accomplir leur devoir sans aucune faille, en toute impartialité et indépendance, dans le respect strict des textes en vigueur. Les attentes du Public à ce sujet sont énormes sur la répression de la délinquance économique et financière. Cette question a du reste été avancée parmi les principales raisons du putsch du 26 juillet 2023. Il est évident aussi que le phénomène de détournement et de malversations de deniers publics a fait son lit dans l'administration publique particulièrement l'instauration des régimes démocratiques.
Tous les régimes qui se sont succédé ont eu leur lot de scandale économique et financier. On peut rappeler, pour les plus retentissants, le dossier de la commission des marchés qui a provoqué l’éclatement de l’Alliance pour les Forces du Changement (AFC) sous la présidence de Mahamane Ousmane, l’affaire MEBA et l’Affaire Zeinab et les zakairies pour l’ère Tandja.
Pour parler des affaires les plus récentes liées au régime qui vient de tomber, les Présidents Issoufou Mahamadou et Mohamed Bazoum n’ont jamais fait mystère de cette pratique qui gangrène l’administration nigérienne. Au contraire, à s’en tenir à leurs discours, tous les deux sont farouchement contre la spoliation des ressources publiques et la nécessité de réprimer les délinquants financiers. En son temps, Issoufou Mahamadou a créé la HALCIA qui a réalisé beaucoup d’investigations et ficelé beaucoup de dossiers qui n’attendent que d’être traités par les juridictions. Mieux, la lutte contre la corruption et les détournements des biens publics était un des axes de son programme de renaissance.
Quant à Mohamed Bazoum, il a annoncé les couleurs depuis le jour de son investiture en avertissant tous les délinquants et leurs protecteurs en ces termes : «… je voudrais dire clairement ici que quiconque a une responsabilité dans l'administration publique répondra désormais tout seul et entiè- rement de ses actes. Son parti politique, sa "base", sa famille, sa communauté ne lui seront d'aucun secours au cas où son comportement devrait commander une mesure coercitive à son encontre. Pour cela, j'exigerai de tous les responsables aux différents échelons de l'administration que les cadres soient promus sur la base de leur compétence technique et de leur moralité». Dans les faits, il a reçu en audience dès sa prise de fonction, toutes les structures de contrôle notamment la Haute Autorité à la Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HALCIA), l’Inspection Générale d’Etat (IGE), la Cour des Comptes, l’Inspection Générale de l’Administration Territoriale (IGAT), l’Agence Judiciaire de l’Etat (AJE), la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF) pour leur demander de mener des investigations sur toute la chaine de l’administration pour relever tout manquement dans la gestion financière et la réalisation des infrastructures et autres ouvrages publics. Et Dieu seul sait que ces différentes structures de contrôles ont effectué un travail de titan.
Beaucoup d’investigations ont été réalisées à la suite desquelles les dossiers ont été ficelés et remis à qui de droit. D’autres ont été même suivis d’effet. C’est le cas du dossier Ibou Karadjé qui tourne autour d’un montant de 10 à 12 milliards compromis et qui croupit présentement en prison ; le dossier TAANADI dans lequel un ministre en fonction à l’époque,garde jusqu’ici prison, l’Affaire du Ministère de la Défense qui a défrayé la chronique et plusieurs autres. Que dire des différents rapports de la Cour des Comptes établis annuellement et remis au président de la République qui font étalage de graves manquements dans la gestion de l’administration publique. Idem du côté de la HALCIA qui a scellé plusieurs cartons remplis de dossiers qui attendent d’être enrôlés par la justice. Au niveau de l’IGAT, plusieurs Maires ont été purement et simplement révoqués pour des faits de malversations financières. Autant dire que la CoLDEFF a du grain à moudre. Il revient à cette institution de parcourir tous ces dossiers pour leur réserver le traitement qui sied et que les délinquants financiers de tout acabit rendent gorge. Bien sûr qu’après tous ces dossiers existants la CoLDEFF, conformément à sa mission, peut conduire des investigations en vue de ficeler de nouveaux dossiers. Seul hiatus, de mémoire de nigériens les commissions d’assainissement ou de moralisation qui ont été créées par le passé notamment la commission crimes et abus de la conférence Nationale, le CASARIF, la CEDEFF créée sous la transition du CSRD de Salou Djibo n’ont pas ré- pondu aux attentes des nigé- riens. Il est donc un défi pour la CoLDEFF de bien remplir son cahier de charges, sans céder au vacarme de la rue et des revanchards, souvent très loin de la réalité du terrain.
Adoum Boulkassoum