Après onze (11) ans d’absence, l’Etat malien est de retour à Kidal, où flotte désormais le drapeau malien mais aussi la devise : un peuple, un but, une foi, ré- sonne à nouveau. Les Forces Armées Maliennes (FAMA) ont réussi ce qu’il est convenu d’appeler un exploit historique, le mardi 14 novembre 2023, en récupérant cette ville du Nord Est du pays, des mains des rebelles de la CMA. Une reconquête intervenue suite à l’assaut lancé au début de ce mois courant de novembre par l’armée appuyés par ses supplétifs de la force privée russe Wagner.
Aussitôt l’annonce faite par le Président de la transition malienne, le colonel Assimi Goïta via son compte X, anciennement tweeter, et relayée sur les médias traditionnels et réseaux sociaux, les populations ont envahi les rues de Bamako ainsi que dans d’autres grandes villes pour manifester leur joie. L’ambiance de la victoire des FAMA a dé- passé les frontières nationales pour se répandre jusque dans les pays voisins notamment le Burkina Faso et le Niger, tous membres de la nouvelle coalition dite l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Avec la libération de Kidal, les autorités maliennes de la transition viennent de faire visiblement un grand pas en avant dans la sécurisation du pays qui est confronté à une détérioration sans cesse croissante de sa situation sé- curitaire depuis 2012, après la chute de l’ancien président feu Amadou Toumani Touré dit ATT. Ramener Kidal au sein du Mali fait partie de la promesse faite par les responsables de la transition au peuple malien. Aujourd’hui, cette promesse semble être tenue pour le moment car Kidal a toujours été le théâ- tre des rebondissements en matière de rébellion. Une reprise symbolique mais peut- être pas stratégique pour Bamako.
Le vœu du Président Issoufou se concrétise
Il est incontestablement admis par tous que l’ancien Président de la République du Niger Issoufou Mahamadou faisait partie des personnalités de ce monde qui ont dé- fendu mordicus l’unification du Mali face aux menaces de partition auxquelles le paysfait face ces dernières années. Face à la particularité qu’a constituée cette ville devenue impénétrable par les autorités maliennes, l’ancien président du Niger Issoufou Mahamadou s’est offusqué de ce statut que Kidal s’est autoproclamée. En 2019, il a dénoncé le blocage imposé à l’armée malienne pour péné- trer dans Kidal, qui, aux yeux de l’ancien président, constitue une base arrière pour les terroristes qui écument le Sahel. Le Président Issoufou Mahamadou a fait preuve d’une grande détermination à aider le Mali pour sortir de cette crise mais aussi l’ensemble des Etats du Sahel. Aujourd’hui que Kidal est libérée, l’on peut dire que le vœu de l’ancien président de la République du Niger Issoufou Mahamadou d’avoir un Mali unifié, devenu un et indivisible s’est réalisé.
Une reprise symbolique et après ?
Pour les spécialistes en matière sécuritaire, la reprise de Kidal est juste symbolique mais pas stratégique pour les FAMA, du simple fait que plusieurs villes du Nord du pays distantes de centaines de kilomètres de Kidal sont encore sous le contrôle des groupes terroristes. Des localités comme Gao, sont toujours sous le joug des groupes terroristes. La reprise de Kidal intervenue visiblement sans coup férir par l’armée malienne malgré l’impressionnante armada déployée car l’ennemi a pris la tangente ou a opté pour un repli stratégique. Cette conquête serait straté- gique, si elle était intervenue après la libération des autresvilles du Centre et du Nord du pays car il ne sert à rien de libérer Kidal alors que le centre et une grande partie du Nord du pays continuent d’être des bastions terroristes. Plusieurs observateurs s’interrogent sur le temps que durera cette reprise de la ville rebelle sachant qu’en réalité, les FAMA sont dans un premier temps venues juste pour reprendre le camp d’Anefis laissé précipitamment par la MINUSMA aux rebelles de la CMA. Le redéploiement de l’administration malienne absente dans la ville depuis plus de dix (10) ans va-t-elle suivre dans l’immédiat, s’interrogent les observateurs sachant que la situation reste toujours volatile dans le septentrion malien.
Risques de fuite des groupes armés vers les pays voisins
Se rendant compte de l’imminence de l’assaut sur Kidal, les rebelles de la CMA et les terroristes ont visiblement pris la clé des champs laissant le terrain aux FAMA qui ont facilement pris le contrôle de la ville sans grande difficulté. Selon des témoins sur place, plusieurs combattants ont préféré rejoindre les montagnes et d’autres le désert pour échapper à la puissance du feu de l’ennemi dont les bataillons sont constitués d’au moins 3000 hommes avec des moyens terrestres et aériens. Dans leur débandade, il n’est pas exclu que plusieurs rebelles et terroristes ne franchissent les frontières endirection du Niger et/ou du Burkina Faso dont les frontières sont très poreuses et qui sont confrontés aussi à l’insécurité depuis plus d’une décennie. Ces deux pays doivent renforcer la sécurité au niveaude leurs frontières communes avec le Mali qui a mis en déroute ces forces du mal.
Le dialogue a-t-il encore une chance de prospérer ?
Probablement oui ! Pour les spécialistes, la question de Kidal devait être réglée autour d’une table et non pas par les armes car les rebellions sont récurrentes au Mali et aucun régime n’a échappé de 1963, date de la première révolte, sous le régime du président Modibo Keita à la date d’aujourd’hui. Certes les derniers accords d’Alger de 2015 n’ont pas pu être appliqués du fait qu’ils ne font pas l’unanimité entre le gouvernement malien et les responsables de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA). Mais malgré tout, le dialogue est toujours nécessaire pour régler définitivement la question des revendications identitaire et territoriale. Pour rappel depuis 2012, aucune autorité malienne ne s’est rendue à Kidal, excepté l’ancien Premier Ministre Moussa Mara, qui a bravé l’insécurité mais qui a fini lui aussi à rebrousser chemin précipitamment suite aux tirs d’armes que lui et sa délégation ont essuyés en 2014. Signalons que la prise de Kidal intervient à quelques jours seulement du retrait de la MINUSMA.
Ibrahim Moussa