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La protestation diplomatique : les relations internationales ne sont jamais à l'abri des remous.

septembre 29, 2021 0 593
Leur survenance s'accompagne fréquemment d'incidents diplomatiques, sur fond de protestation. Forme élégante de l'indignation, la protestation est l'acte unilatéral - verbal ou formel - par lequel, un sujet de droit international (État ou Organisation internationale) marque sa désapprobation à l'égard d'un fait précis. Protester, c'est pester diplomatiquement ! A titre illustratif, les propos tenus par l’officiel d’un pays sur un autre ou ses dirigeants, directement ou allusivement, peuvent susciter la protestation de ceux-ci. Les réactions du Mali, consécutives aux sorties médiatiques du Président de la République (en juillet) et du Ministre des affaires étrangères du Niger (Septembre 2021) sur la junte militaire, en portent témoignage. Dans le même sens, l’Etat peut élever une protestation, en cas d’annexion (d’une partie) de son territoire, ou encore, du soutien apporté à un groupe rebelle à son détriment. La protestation prend généralement la forme d'un communiqué officiel. Rédigé en termes clairs et vigoureux, il exprime suffisamment l’opposition de l'État ou l'organisation internationale qui l'émet. La lecture du communiqué doit en donner l'apparence d'une condamnation ferme, mais idéalement non belliqueuse. Au sein des Organisations internationales, la protestation diplomatique s’aggrave par moments d’un retrait de l’Etat protestataire. Ainsi, on se rappelle qu’en 1984 le Maroc avait quitté l’OUA pour protester contre l’admission de la République Arabe Sahraouie. Réaction diplomatique, la protestation n’est pas sans implications juridiques. Elle est, du point de vue de ses conséquences, essentiellement, un acte conservatoire. Cette catégorie renvoie à tous les actes posés par une personne pour préserver un droit ou éviter la perte d’un bien. S’agissant de la protestation, deux situations permettent de vérifier ses vertus conservatoires. Délimitation des frontières. En effet, un fait imputable à État étranger, peut léser les droits ou intérêts d'un autre. En l'absence de protestation, les conséquences de la nouvelle situation lui sont potentiellement opposables ; son silence, valant acquiescement. C'est surtout vrai, dans les différends interétatiques en matière de délimitation des frontières. Bien souvent, les États invoquent le défaut de protestation de l'autre partie, relativement au tracé initial des frontières ou aux actes de puissance qu’ils ont durablement exercés sur le territoire disputé. Une telle hypothèse trouve illustration notamment dans l’affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria. Dans cette espèce, les deux États tentèrent chacun de triompher, en arguant une absence de protestation de l’autre partie, relativement à la frontière. Ainsi, il est de bonne méthode pour un Etat de protester, à chaque fois que ses intérêts sont atteints. La protestation une attitude de précaution. Persistent objector. Les sources du droit international sont diverses et variées. Moins connue, la coutume y occupe une place importante. Elle correspond à une pratique générale, acceptée comme étant le droit. Sa formation résulte d'une répétition d'actes matériellement semblables (élément matériel), avec le sentiment que ceux-ci sont obligatoires (élément psychologique). Elle «se forme en silence par strates successives». En tant que telle, la coutume est obligatoire indépendamment d'une consécration textuelle. Cela dit, la généralité de la pratique potentiellement coutumière ne signifie pas qu'elle émane de la totalité des Etats. Une large majorité est suffisante. Partant, la coutume internationale peut être opposable à un État, sans son consentement, au motif qu'il n'a manifesté aucune intention contraire, au moment de sa formation. Pour prévenir une telle situation, il est loisible à l'État d'élever systématiquement des protestations contre la pratique des autres. Devenue coutume, celle-ci ne lui sera pas opposable, en raison justement de ses protestations. En ce sens, on peut citer la jurisprudence affaire des Pêcheries norvégiennes, opposant le Royaume-Uni à la Norvège. Dans sa décision, le juge international a estimé que les objections réitérées de la Norvège empêchait l'application, à son égard, de la règle coutumière invoquée par le Royaume Uni. Protester, c’est s’assurer des marges de manœuvres. Abdoul-Malik Issoufa
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Ibrahim Moussa Illagamo

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