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Sommet des chefs d’Etat du 10 décembre 2023: La CEDEAO partagée entre relâchement et durcissement

décembre 06, 2023 0 711

Le 10 décembre 2023, se tiendra le sommet des Chefs d’Etats de La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à Abuja la capitale Fédérale du Nigeria. A l’agenda de ce sommet les situations complexes de crises nées des interruptions des processus démocratiques en Guinée Conakry, au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Ce n’est tant les foyers de tensions qui inquiètent le Chefs d’Etat mais la complexité des crises qui s’enchevêtrent sous un élan souverainiste voire nationaliste et la radicalisation des nouveaux régimes militaires qui restent inflexibles, mettant dans l’embarras les leaders de l’organisation communautaire qui voulaient jouer au père fouettard avec les putschistes. L’équation, il faut le dire, difficile à résoudre, divisent les Chefs d’Etats des pays membres partagés entre un relâ- chement et un durcissement de ton, avec à l’esprit la sauvegarde de l’organisation communautaire qui, à ses 48 ans, affronte les épreuves les plus redoutables de son existence.

Selon les échos qui nous parviennent des milieux diplomatiques proches de l’organisation communautaire, le prochain sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO constitue un enjeu majeur pour l’Institution. En effet, plus que jamais, l’organisation contestée et décrédibilisée dans de nombreux pays de l’Afrique de l’Ouest par des jeunes qui accusent certains chefs d’Etats d’être à la solde de l’occident, doit jouer avec tact pour assurer sa survie.

Mise à rude épreuve par les nouveaux régimes militaires notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger, la CEDEAO a d’abord opté pour les solutions les plus extrêmes face à la flambée des coups d’Etat qui secouent la sous-région. Il faut arrêter net cette tendance au recul démocratique, avait espéré le Président nigérian Ahmed Bola Tinubu, nouvellement élu à la tête du Nigeria en mai 2023 et porté président en exercice de l’Organisation communautaire. La menace qu’il a brandie au début de son mandat à l’endroit de tous ceux qui seraient tenté par cette aventure n’a pas produit les effets escomptés.

Le 26 juillet 2023, contre toute attente, le Niger est affecté par l’épidémie de coup d’Etat. La colère des Chefs d’Etats de la CEDEAO les a amenés à prendre des mesures extrêmes allant directement à un embargo total après un ultimatum de six jours assorti de la menace d’une intervention militaire pour rétablir l’ordre constitutionnel et démocratique. Conséquence, le régime militaire du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), le nouvel organe exécutif et législatif du Niger se radicalise et se rapproche des pays voisins dirigés par des militaires, notamment le Mali et le Burkina Faso.

La menace de l’intervention militaire de la CEDEAO qui a mobilisé ses forces en attente a eu également pour conséquence, la méfiance à l’endroit de la France déjà stigmatisée et décriée dans les pays du Sahel et sommée par les nouveaux tenants du pouvoir de plier bagages.Avec une telle posture, tout était devenu suspect pour le nouveau pouvoir de Niamey dont les soutiens dénoncent à travers manifestations sur manifestations, la France et la CEDEAO.

Les lourdes sanctions prises par la CEDEAO et l’UEMOA, notamment les fermetures de frontières et le gel des avoirs du Niger à la BCEAO, entre autres, ont provoqué la colère des populations tant au Niger que dans les pays voisins qui dénoncent une CEDEAO qui désintègre par ses méthodes radicales. Dans ce contexte, les pourparlers engagés pour faire plier les autorités militaires de transition n’ont guère prospéré. Il est vrai que devant l’impasse qui s’installait, la CEDEAO a fait beaucoup de concession, abandonnant presque l’option d’une intervention militaire. Même si le président de la Commission de la CEDEAO maintient que cette alternative n’est pas écartée, les pays ayant accepté de participer à l’opération qui ont mobilisé des troupes en attente à cet effet ont déjà retiré leurs contingents. Mieux la plupart des chefs d’Etat ont abandonné la position radicale de départ celle du rétablissement du Président déchu Mohamed Bazoum sur son fauteuil présidentiel, préférant plutôt parler de sa libération ainsi que des membres de sa famille et de l’éventualité de son exfiltration vers un pays d’accueil. Une demande qui n’a pas eu d’écho favorable de la part des autorités de transition.

A quelques jours du sommet des Chefs d’Etat, le cas du Niger et du Mali sont au centre des milieux diplomatiques de la CEDEAO. L’échec de la méthode forte va-t-elle influencer les Chefs d’Etats de la CEDEAO à changer d’approche au cours du sommet du 10 décembre ? La question divise et deux camps font prévaloir des arguments diamétralement opposés. Pour certains Chefs d’Etat, les plus radicaux, il faut maintenir et renforcer les sanctions à l’endroit du Mali qui n’a pas respecté son agenda et à l’endroit du Niger pour son refus d’obtempérer aux sollicitations de la CEDEAO. Pour eux la survie des régimes démocratiques y dépend, estimant que c’est la meilleure manière de mettre fin à l’épidémie des coups d’Etat dans la sous-région. Cette tendance parle de l’éventualité du recours au protocole additionnel sur la bonne gouvernance qui donne un délai assorti d’un moratoire pour agir contre les ré- gimes anticonstitutionnels.

Pour le second camp, qui se veut pacifiste et qui table sur une sauvegarde de l’institution communautaire ébranlée par tant de contestations des populations dans les pays membres durement éprouvées par l’impact des sanctions prises ainsi que de l’insécurité, il faut relâcher et sauver la CEDEAO. L’équation, il faut le dire est difficile à résoudre et il faut attendre le 10 dé- cembre pour se fixer sur le sort des pays de l’AES et sur celui de la CEDEAO qui se regardent en chiens de faïence.

Adoum Boulkassoum

Dernière modification le mercredi, 06 décembre 2023 21:22

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