Les partis politiques sont-ils les laissés-pour-compte dans ce qui s’assimile à la révolution que vit le Niger, depuis les évènements du 26 juillet 2023 ? En effet, jamais un évènement n’a suscité autant d’engouement et n’a fait l’unanimité que l’arrivée du CNSP au pouvoir, dans l’histoire politique récente de notre pays. Plus de quatre (4) mois, après le Coup d’Etat du Général Tiani, on enregistre encore des déclarations de soutiens au profit du CNSP. Les nigériens dans leur écrasante majorité saluent et applaudissent nuits et jours l’avènement du CNSP.
Ainsi le peuple a battu le pavé pour exprimer sa joie et son soulagement face au tournant historique qu’emprunte notre pays. Toutes les couches socioprofessionnelles se sont mises de la partie.Il n’y a que les partis politiques qui sont visiblement isolés de cette ambiance fébrile qui gagne l’ensemble du pays dans tous ses recoins. Pourtant, beaucoup des militants des partis politiques se sont retrouvés dans les masses diffuses pour manifester également leur joie. Certains partis politiques ont d’ailleurs formellement rendu public des communiqués pour saluer l’arrivée des militaires au pouvoir et le tournant décisif qu’emprunte le Niger, en dépit de la suspension de leurs activités.A vrai dire, il y a comme une sortede conspiration contre ces derniers, à qui certains esprits obtus dénient le droit de prendre part à cette révolution historique et nationale. Ainsi les tentatives de certains partis à organiser de manifestations publiques de soutien au CNSP ont été interprétées comme un crime de lèse-majesté par cette catégorie de nigériens qui pensent détenir le monopole de se prononcer sur la marche du pays.
Sans compter que la majorité de ces activistes dissimilés dans la société civile sont en réalité des militants patentés des partis politiques. Mais le plus alarmant, c’est quand les nouvelles autorités semblent prêter l’oreille à ces nouveaux «patriotes» qui veulent en découdre avec les partis politiques et la démocratie. On peut légitimement s’inquiéter de cette tendance dès lors qu’on remarque l’isolement total dans lequel les partis politiques ont été confinés aujourd’hui.Il faut rappeler que des voix se sont levées déjà, pour s’interroger sur la place des partis politiques dans le prochain conseil consultatif, qui sera la cheville ouvrière de la transition.
Aux premières annonces, nulle part il n’a été fait cas de leur présence dans les fora régionaux qui sont organisés, en prélude à l’installation de cette institution.En plus dans la dernière adresse à la Nation du Général Tiani, il n’a pas été pipé un mot sur les partis politiques alors qu’il a fait un large tour sur les questions importantes de la nation.Aujourd’hui, les partis politiques et leurs leaders se tournent les pouces et ne savent à quel saint se vouer, dès lors qu’ils n’ont même pas le droit d’apporter leur soutien formel et publique au CNSP à l’instar de toutes les autres structures légalement reconnues. En dehors de quelques jeunes leaders audacieux comme Ibrahim Yacouba, Kassoum Mahaman Moctar, Kadaouré Habibou et Alassane Intinicar, qui lancent furtivement des petits post sur les réseaux sociaux pour ne pas ne pas se faire oublier, les grosses pointures du gotha politique nigérien, se sont murés dans un silence total. Ils attendent impatiemment des évènements sociaux, les fatiha des baptêmes ou de décès pour s’afficher et communier avec le public. C’était le cas la dernière fois, à l’occasion du 3ème anniversaire du décès de l’ancien Président Tandja Mamadou, où plusieurs leaders se sont retrouvés pour saluer la mémoire du défunt mais aussi et surtout pour s’offrir l’occasion d’échanger et humer l’air de dehors.
Dans certains milieux politiques, on sent des vives inquiétudes et des questionnements sur le sort qui sera fait aux partis politiques sous peu. Depuis quelques temps déjà, les débats sont posés sur leur gouvernance dans les régimes démocratiques, avec des procès sévères taxant les partis politiques d’être à la base de toutes les tares. D’aucuns estiment qu’ils sont pléthoriques et qu’il faille les ramener à un nombre raisonnable. A côté du nombre, beaucoup de formations politiques n’ont que leur emblème pour justifier leur statut, et sont moribonds, se limitant à la personne de leur leader.
Les différents rapports de la Cour des Comptes ont toujours montré que la majorité d’entre eux vivent dans l’informel .Du côté du Ministère de l’intérieur, une étude récente a démontré que peu de partis politiques remplissent les conditions édictées par la loi. Soit ! Mais Est-ce une raison de vouloir neutraliser brutalement la classe politique si on sait que le Niger a opté pour un multipartisme intégral. Les nigériens ont gouté aux délices de la démocratie et ne sont pas prêts à y renoncer certainement. Du reste, le CNSP en a conscience puisque dans l’ordonnance organisant les pouvoirs publics de la transition, il reconnait formellement l’attachement du Peuple nigérien à la démocratie et au pluralisme. D’où la nécessité d’associer ces derniers à toutes les réflexions dans le cadre de cette transition, quitte à opérer un toilettage profond pour les rendre plus fonctionnels et plus aptes à gérer la cité un jour.
Adoum Boulkassoum