Au cours de ses 10 ans à la Magistrature suprême de notre pays, les rapports entre la France et le Président Issoufou Mahamadou n’ont pas été toujours du goût de l’Élysée. Bien au contraire, sur de nombreux dossiers important, des divergences ont opposé la France au Président Issoufou Mahamadou.
Dans ses rapports, la France a toujours voulu garder la main haute sur certaines affaires au Niger et sur le continent. Elle cherchait à tout prix à contrôler et à tout influencer. Cette stratégie condescendante a été dans une certaine mesure ce qui lui a valu l’antipathie de nombreux jeunes africains qui n’ont pas hésité, lors des visites du Président Macron en Afrique, de dénoncer la ‘’Françafrique’’, marquée par des rapports verticaux qui voudraient que l’ancienne métropole s’immisce pratiquement dans tout dans nos Etats. Ces types de rapports, l’ancien Président Issoufou Mahamadou les a toujours rejetés, s’inscrivant dans des rapports transversaux de coopération mutuelle respectueuse des choix stratégique des Etats et de leur souveraineté. Les rapports entre la France et l’ancien Président Issoufou, il faut le dire ont été souvent tumultueux, lui valant la campagne de dénigrement qu’il subit aujourd’hui et qui a été lancée manifestement par les milieux officiels français.
Révélations sur les secrets d’une relation tumultueuse…
Pourquoi la France en voudrait-elle à l’ancien Président Issoufou Mahamadou ? A l’apparence l’on serait de tenter qu’il n’y a rien qui les oppose au regard de la discrétion qui a entouré les rapports entre la France et le Niger sous son magistère. Mais derrière ces relations cordiales en apparences se cachent de nombreuses divergences que la France semble ne pas pardonner à Issoufou Mahamadou.
Le premier couac est intervenu, quelques jours seulement après l’accession à la magistrature suprême de Issoufou Mahamadou au Niger en 2011.
Invité au sommet des Chefs d’Etat du G8 à Deauville en France en 2011, le tout nouveau Président du Niger, s’est opposé farouchement à toute intervention militaire en Libye. Il avait déclaré à propos de la Libye qu’il fallait ‘’assurer le service après-vente’’. Issoufou Mahamadou avait prévenu et dit que le remède ne devait pas être pire que le mal, c’est-à-dire que la Libye ne se somalise pas. Il fallait faire attention pour que le pouvoir à Tripoli ne tombe pas entre les mains d’intégristes ou de salafistes.
Ces propos avaient été jugés offensants par la France qui a été le principal acteur de la déstabilisation de la Libye.
En 2013, le Président Issoufou touche à un des plus gros intérêts de la France au Niger. Exploitant l’Uranium du Niger à travers la SOMAIR et la COMINAK, la France avait de grosses ambitions surtout sur le site d’Imouraren qu’elle a décroché à travers une convention de 10 ans. Celle-ci était arrivée à expiration sans que le site ne soit mis en exploitation. Le Président Issoufou Mahamadou n’a pas hésité un seul instant, à l’expiration du délai de la convention, de reverser le site d'Imouraren dans le domaine public de l'État nigérien. Cette décision inattendue est restée à travers la gorge de la France qui ne pouvait pas s’imaginer qu’on peut remettre le site sur le marché public. En 2013, de nouvelles négociations très rudes avec les responsables d’AREVA ont débouché sur la signature d’une nouvelle convention dans un jeu d’égal à égal.
Un autre dossier de contentieux avec la France et sur lequel le Président Issoufou Mahamadou est resté droit dans ses bottes, c’est le statut de la ville de Kidal au Mali, enclave qui échappe à l’autorité de l’Etat avec la complicité de la France. Prise en 2012 par les rebelles salafistes, la ville est passée sous le contrôle d'ex-rebelles séparatistes, malgré la présence de bases française et des forces onusiennes.
‘’Le statut de Kidal est une menace" pour la stabilité du Sahel, a déclaré M. Issoufou Mahamadou en 2012. En novembre 2019 lors d’une visite de travail à Bamako, il a encore soutenu que «le statut de Kidal est une menace pour la sécurité intérieure du Niger», avant d’ajouter : «Nous constatons, avec beaucoup de regret, qu’il y a des mouvements signataires des accords de paix d’Alger qui ont une position ambiguë, qu’il y a des mouvements signataires des accords de paix d’Alger qui sont de connivence avec les terroristes.»
Le retour de l’Etat malien à Kidal préconisé et défendu par le Président Issoufou Mahamadou n’a pas été du goût des français qui étaient soupçonnés d’entretenir la division.
Depuis lors, la méfiance s’est installé entre la France et le Président Issoufou avant que ses pairs ne lui confient les brûlants dossiers de la monnaie Unique CEDEAO qui va mettre fin au FCFA dans la zone UEMOA et celui la Zone du Libre Echange Continental Africain. De tels dossiers ne peuvent que contrarier la France très attachée à la zone CFA et à son emprise sur ces anciennes colonies.
Malgré les enjeux, le Président Issoufou Mahamadou a fait progresser le dossier de la monnaie unique de la CEDEAO avant que la France ne saborde le processus de « l’Eco ».
Par rapport à la ZLECAF, la France qui voit d’un mauvais œil, la détermination de Issoufou Mahamadou de conduire le processus à son terme, n’a pu rien faire. Le processus d’intégration étant très avancée et les Chefs d’Etat africains unanimes sur la nécessité d’aller de l’avant pour la concrétisation de cette zone de libre-échange, la France à elle seule ne peut faire échouer ce dossier.
Toutefois, la France ne va pas lâcher prise. Elle suit de près le président Issoufou, même après avoir fini ses deux mandats et passé le témoin à son successeur Mohamed Bazoum. Dans le cadre de la mission confiée par le Secrétaire Général des Nations Unies à l’ancien président Issoufou Mahamadou de diriger Panel de Haut Niveau sur la Sécurité au Sahel, Ce dernier tenait à l’indépendance du Panel. Il a évité pour cela d’y associer la France qui tenait à tout prix à être intégrée dans le Panel ou tout au moins à y voir les conclusions avant le dépôt du rapport. Le Président Issoufou n’a pas autorisé cette intrusion, provoquant la colère de la France. Du reste, curieusement, après le refus du Président du Panel d’y associer la France, le domicile du Rapporteur de ce Panel, le Pr Tidjani Alou a été cambriolé et seuls ses ordinateurs, ses disques durs et ses clés USB ont été emportés. Certains y avaient vu à l’époque l’œuvre de la DGSE française. Ce qui témoigne de l’animosité que peut nourrir la France à l’endroit du Président Issoufou.
Tout récemment, après les événements du 26 juillet 2023 qui ont renversé le Président Mohamed Bazoum, le refus du Président Issoufou de l'intervention militaire de la CEDEAO contre notre pays a été mal perçu par la France qui tenait à tout prix à pendre le devant d’une guerre punitive contre notre pays.
Dans un tweet en date du 23 septembre 2023, Issoufou Mahamadou a clairement déclaré qu’"Une intervention militaire extérieure, dont les conséquences humaines et matérielles sont incalculables, y sera une source d'instabilité durable (...) Plus qu'une erreur, y recourir serait une faute. Je suis sûr que les chefs d’État de la Cédéao puiseront dans leur immense sagesse pour ne pas commettre une telle faute".
Voilà des raisons objectives qui ont conduit la France à placer dans son escarcelle l’ancien Président Issoufou Mahamadou et qui expliquent la cabale dont il fait l’objet de la part de la France à travers des fonctionnaires comme l’Ambassadeur Sylvain Itté.
Issoufou Mahamadou est également loin d’être ce ‘’valet local’’ de la France que certains de ces adversaires et ennemis s’évertuent à servir dans les plateformes des médias sociaux.
Face aux intérêts du Niger et de l’Afrique, i a été toujours intransigeant, ce qui lui vaut toute la confiance et le respect dont il jouit de par le monde.
Adoum Boulkassoum