Le samedi 24 février 2024, tous les yeux étaient rivés sur Abuja où se tenait un sommet extraordinaire des Chefs d’Etats de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Quelles décisions prendra l’Organisation communautaire à l’endroit du Niger après sept mois de sanctions qui n’ont pas produit l’effet escompté ?
Même s’il est vrai que les couleurs étaient annoncées par la visite du Médiateur de la CEDEAO, le Président Faure Gnassingbé et le sommet des Chefs d’Etats de l’Union Africaine, les nigériens attendaient impatiemment la tenue du sommet pour se fixer. Finalement, la bonne nouvelle accueillie avec soulagement tomba dans l’après-midi. Une lueur d’espoir pour l’écrasante majorité des nigériens, un choix cornélien pour le CNSP et le Gouvernement de transition.
Quelques jours avant la tenue du sommet des Chefs d’Etats de la CEDEAO, les couleurs étaient annoncées. D’abord par le Président béninois Patrice Talon qui, dans un entretien accordé aux médias, estimait que la CEDEAO doit revoir sa copie à l’endroit du Niger et des autres pays de l’Alliance des Etats du Sahel qui ont tous claqué la porte à la CEDEAO.
Relâchement aussi du Président Ivoirien Alhassane Ouattara, un autre Chef d’Etat qui était pour la fermeté à l’endroit des militaires qui ont pris le pouvoir à Niamey. Le Médiateur commis par la CEDEAO, le Président Faure Gnassingbé a œuvré inlassablement auprès de ses pairs pour cette levée des sanctions. En visite à Abidjan, il a plaidé pour la levée des sanctions.
Même souhait au niveau du sommet de l’Union Africaine tenu à Addis-Abeba en Ethiopie les 17 et 18 février dernier. L’écrasante majorité des Chefs d’Etat présents au sommet ont souhaité un changement d’approche de la CEDEAO qui a pris un gros coup dans la gestion des crises politiques au Mali, au Burkina Faso, en Guinée et au Niger.
Au niveau sous régional comme au niveau des différents Etats affectés par les crises, beaucoup de voix se sont élevées au sein des religieux, des Chefs coutumiers, d’anciens dignitaires et des organisations de la société civile pour plaider pour une levée des sanctions qui frappent particulièrement le Niger, asphyxié pendant environ sept mois par des sanctions des plus insupportables.
Changement de ton et d’approche de la CEDEAO
Les réactions inattendues des autorités de transition du Burkina Faso, du Mali et du Niger, qui ont quitté l’organisation communautaire ont pesé lourd sur le changement de ton des dirigeants de la CEDEAO et surtout sur le changement radical de position de l’Institution par rapport aux crises institutionnelles qui affectent ces pays. Les critiques adressées à la CEDEAO et les multiples appels à la levée des négociations semblent aussi avoir été entendus. Le Président en exercice de l’organisation communautaire, président de la République fédérale du Nigeria, Bola Ahmed Tinubu a totalement changé de ton à l’ouverture du sommet, appelant à la levée des sanctions contre le Niger, le Mali, la Guinée et le Burkina Faso
Justifiant les mesures prises par les Chefs d’Etats à l’encontre des pays qui ont connu des coups d’Etats au sein de la communauté, Bola Tinubu de dire : "Tout ce que nous avons fait visait à persuader nos frères qu'il existait un meilleur chemin, un chemin qui conduirait à une amélioration véritable du bien-être de leur peuple par le biais d'une bonne gouvernance démocratique. Et c'était un chemin que chacun de nos pays avait solennellement accepté l'un avec l'autre conformément à un traité régional et à un protocole’’.
Revenant sur les sanctions prises à l’endroit des certains Etats membres en raison des coups d’Etat Bola Tinubu après avoir expliqué l’objectif visé à travers ces mesures dit qu’à son avis et dans son cœur, ‘’ce qui est blessant mais inefficace ne sert à rien de bon et devrait être abandonné’’.
Le Président Tinubu a indiqué que ‘’ni la haine ni les motivations cachées n'ont influencé les mesures prises et qu'il n'y a jamais eu l'intention d'éteindre ou de saper les aspirations politiques légitimes de tout État membre ou de promouvoir les intérêts d'une partie extérieure’’.
"Nous ne tendons pas seulement la main à nos frères. Aujourd'hui, nous leur disons -- commençons à travailler ensemble plus sérieusement pour le développement économique de nos populations et pour affronter ces défis modernes qui ne respectent ni les frontières ni les limites…’’ a soutenu le président en exercice de la CEDEAO qui a déclaré que "Ce que je propose dans des termes réels et pratiques, c'est que nous, mes collègues et les chefs d'État de la CEDEAO, suspendions indéfiniment les sanctions économiques contre le Niger, le Mali, la Guinée et le Burkina Faso et contre la direction des autorités militaires de ces nations."
"… nous devons suspendre les sanctions et revenir au dialogue fraternel. J'appelle les dirigeants du Burkina Faso, de la Guinée, du Mali et du Niger à accepter la main tendue," a lancé le Président Bola Tinubu.
Silence troublant des pays de l’AES…
Depuis la levée des sanctions contre les trois pays de l’Alliance des Etats du Sahel, aucune réaction officielle. Même pas celle de principe de prendre acte de la levée des sanctions de la CEDEAO.
Le Burkina Faso, le Mali et le Niger semblent avoir été placés face à leur responsabilité avec la levée même partielle des sanctions.
Les trois pays vont-ils coordonner une fois de plus les réactions face à cet assouplissement des chefs d’Etats de la CEDEAO. Nul ne le sait pour le moment.
Ce qui est sûr, au Niger, le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) et le Gouvernement de Transition font face à un choix cornélien. Vont-ils accepter la main tendue de la CEDEAO et retourner dans l’Institution communautaire ou vont-ils simplement se contenter de l’Alliance des Etats du Sahel. En attendant une réaction officielle, l’opinion nationale est divisée d’une part entre un sentiment de soulagement de levée des sanctions et l’incertitude sur la suite de la transition.
Adoum Boulkassoum