Après cinq jours d’intenses travaux, les assises nationales tenues du 15 au 19 février 2025 se sont achevées à la fois sur une note d’espoir mais aussi avec un goût amer de déception et d’incertitude.
La passion, l’esprit de revanche, les calculs politiques et personnels, les règlements de compte, la falsification de l’histoire, le jet de discrédit sur le passé ont malheureusement pris le dessus au cours des travaux des différentes sous-commissions mises en place dans le cadre des débats sur la refondation de la République, malgré les consignes et les orientations du Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), Chef de l’Etat à l’ouverture des assises. Le Général Abdourahamane Tiani avait prévenu dès les premières heures de ce dialogue inclusif national : «…les présentes assises ne peuvent pas se réduire à une tribune de promotion personnelle, de positionnement politique, de règlement de compte, de critiques acerbes injustifiées et de tremplin pour une conquête du pouvoir à venir ». Visiblement, le message du Chef de l’Etat n’a malheureusement pas été entendu sur toute la ligne. Certains acteurs majeurs des assises ont, dans une atmosphère surexcitée et dans un esprit revanchard, pu glisser soit leur agenda personnel et égoïste, soit leur agenda politique tout simplement, loin des véritables attentes des populations et des jalons du Niger nouveau que souhaitent tous les nigériens.
Heureusement que le Général Tiani, prenant de la hauteur par rapport aux recommandations faites à la hâte à l’issue des assises, a laissé grandement ouverte la porte des réflexions. Les débats et contributions se poursuivent donc en attendant le rapport final et la validation du Président du CNSP.
Beaucoup d’espoir avait été fondé sur les assises nationales qui devaient se pencher sur l’avenir du pays, à la recherche de nouveaux repères depuis les événements du 26 juillet 2023.
Les assises ont certes débouché sur l’élaboration d’une charte de la transition qui décline les différentes institutions de la transition et la durée de celle-ci.
Elles ont aussi débouché sur des recommandations fortes par rapport à la sécurité et à la défense du pays ainsi qu’à sa pleine souveraineté et les axes prioritaires de la transition.
Cependant beaucoup de nos compatriotes sont restés sur leur soif par rapport à certaines recommandations des assises ant des allures d’un règlement de compte.
Le point faible des assises nationales a été assurément l’axe relatif à la cohésion nationale et à la justice sociale.
Là, les débats ont malheureusement été tenus à travers des clichés véhiculés à dessein par certains participants mus par un ardent désir de détruire le régime de la renaissance et ceux qui l’ont animé.
Les moments d’échanges constructifs pour fédérer tous les nigériens pour l’atteinte de nos objectifs communs d’unité nationale, de cohésion sociale, de justice sociale, de paix, de sécurité et de progrès socio-économique, tels que souhaité par le Président du CNSP, Chef de l’Etat ont été ratés.
L’on a assisté à un véritable procès des régimes civils précédents particulièrement du régime du PNDS-Tarayya accusé de tous les maux sur la base d’éléments créés et montés de toute pièce par certains acteurs et présentés comme des affaires.
Les ratés c’est surtout le message du Gouverneur de Niamey à l’ouverture des assises donnant un ton et des orientations aux assises en s’en prenant exclusivement à la classe politique. Aussi, l’exclusion manifeste de certains nigériens considérés comme des mal pensants était un mauvais départ pour les assises qui étaient censés regrouper toutes les sensibilités afin de refonder les bases du Niger dont nous rêvons. Il faut dire que malgré le caractère inclusif des assises qui ont commencé à partir des départements et des régions, le choix des participants a été quelque peu calibré.
Beaucoup de participants, en effet, avaient des idées préconçues et n'étaient animés que par un esprit de règlement de compte qui a fini par impacter les grandes recommandations du forum.
Au lieu de s’investir à proposer des solutions durables et pérennes aux problèmes du pays, certains participants se sont attardés sur des faits divers, sur des singularités qui représentent à leurs yeux les maux dont souffre notre pays.
Mais il faut dire que certains acteurs bien connus avaient des agendas personnels et étaient à la recherche de positionnement. Pour se faire une place au soleil, depuis les événements du 26 juillet 2023, ils n’ont eu cesse de discréditer la démocratie et la classe politique. Et les assises étaient l’occasion rêvé pour donner le dernier coup de massue à la classe politique en manœuvrant pour recommander la dissolution des partis politiques.
Ce qui est sûr, certaines recommandations et conclusions de ces assises suscitent beaucoup d’interrogations. Surtout sur la lutte contre l’impunité. Au lieu de parler de la justice sociale, les débats ont été ramenés à des soi-disant affaires qui avaient été relayées par la rue et par une certaine opinion.
A l’issue du communiqué final des assises, beaucoup de voix se sont élevées pour dénoncer un règlement de compte à travers la dissolution des partis politiques qui, il faut le dire, n’ont pas été au centre d’une crise ayant engendré les événements du 26 juillet il n’y avait aucune crise politique au Niger.
En lieu et place de la dissolution, de nombreuses voix estiment qu’une simple réforme de la charte des partis politiques aurait suffi car en dissolvant les partis politiques, c’est une bonne partie des nigériens qui sont mis à l’écart du mouvement en cours.
Mais certains activistes connus pour leur hostilité contre la démocratie et les acteurs politiques, ont pu glisser des propositions bancales tendant à limiter la vie politique à deux ou cinq partis politiques. Des choses difficiles à traduire dans un texte fondamental et irréalisables dans la réalité.
Dans le même chapitre, assainissement pour assainissement, certains acteurs dont la voix n’a pas porté ont pourtant estimé que les sociétés civiles ont été au centre des déstabilisations des régimes démocratiquement élus ces dernières années. Il aurait fallu explorer aussi du côté de la société civile.
Parmi les rats des assises certains parlent d’une insuffisante prise en compte des propositions des régions qui ont exprimé leurs préoccupations à la fois nationales et spécifiques qui ont du reste servi de base aux travaux dans certaines sous-commissions.
Toutefois, il faut dire que le Président du CNSP a peut-être pris la mesure des recommandations faites sur un esprit revanchard qui risque de diviser davantage les nigériens. Le Général Tiani en clôturant les travaux a laissé la fenêtre grandement ouverte.
«…ces résultats peuvent encore être enrichis par des analyses complémentaires à venir. Car ils portent sur la gestion d’un pays à travers un travail véritablement dynamique et évolutif qui demande à être constamment adapté et approfondi, en tenant compte du contexte, et des opportunités qui s’offrent à notre pays».
Espérons que cette ouverture permettra à la commission nationale de faire amende favorable en relevant les grandes préoccupations et attentes des populations dans le rapport final.
Adoum Boulkassoum