Depuis la promulgation de la charte de la refondation dans le journal officiel de la République qui stipule en son article 12 «Les langues parlées du Niger sont : l'Arabe, le Buduma, le Fulfulde, le Gulmancema, le Hausa, le Kanuri, le Tagdalt, le Tamajaq, le Tassawaq, le Tubu et le Zarma-sonraï.
La langue nationale est le Hausa
Les langues de travail sont l’Anglais et le Français.», les débats enflent. Plusieurs spécialistes et citoyens se sont mêlés à la danse chacun donnant son point de vue. Au niveau du public aussi, les échanges et les interprétations continuent. Chacun partant de sa propre conviction et de ses opinions sur ce sujet pour le moins sensible. Malheureusement, à côté du débat scientifique et des débats d’opinions s’est développé un autre débat malsain qui appelle à l’ethnie et au communautarisme. Plus grave, certains intervenants n’hésitent pas à donner une connotation identitaire à cette réforme et appelle à la résistance. Certains acteurs voient dans cette nouvelle réforme une certaine hiérarchisation des langues et une élévation de la langue hausa par rapport aux autres langues là où certains autres autres voient tout simplement un acte qui rime avec la souveraineté tant chantée aujourd’hui au niveau de la Confédération de l’alliance des Etats du Sahel. C’est du reste un article des textes constitutifs de la Confédération de l’AES qui recommande l’érection de nos langues nationales au statut de langues officielles pour reléguer le français en simple langue de travail, soutiennent les souverainistes.
Dans l’esprit de l’AES, cette initiative est déterminante dans le combat pour la recherche de la souveraineté parce que c’est avec nos langues nationales qu’on va dorénavant véhiculer nos messages, nos cultures et les enseignements didactiques. Pour les responsables de l’AES, la langue fait partie intégrante de notre identité et de notre souveraineté.
Toutefois, ici au Niger, le débat continue dans une atmosphère malsaine faite d’intolérance sans commune mesure. L’angle sous lequel ce débat fort utile est abordé par certains acteurs exacerbe les tensions. En l’absence d’une explication officielle pour préciser les motivations et les contours exacts de cette réforme, certains intervenants font de la manipulation et développent un langage de haine, de violence et de stigmatisation. Toute chose déplorable et condamnable. Aujourd’hui encore on constate des structures organisées se répandre tantôt dans des déclarations, tantôt dans des appels à manifestation relativement à l’introduction de cet article dans la charte de la refondation.
Dans le cadre de ce débat, on a entendu des déclarations ou des prises de position extrémistes et divisionnistes qui peuvent ébranler la cohésion sociale et l’unité nationale. Le plus curieux dans tout cela, le gouvernement reste muet.et silencieux par rapport à toutes ces dérives. En dehors de quelques acteurs de la société civile qui gravitent autour du CNSP qui ont tenté de donner quelques explications frivoles leur ayant attiré insultes et haine gratuites, aucune voix autorisée ou presque n’est sortie véritablement pour donner d’amples explications sur le sujet mais surtout pour mettre un terme aux dérives dangereuses observées dans ce débat.
Pour l’heure, beaucoup ignorent à quoi rime ce statut de langue nationale inscrit à l’article 12 de la charte de la refondation. Est-ce qu’on fait référence à la couverture géographique ? Est-ce les documents officiels et les enseignements et la formation seront désormais transcrits en hausa ? Quelle différence le nouvel article 12 fait-il entre langue parlée, langue nationale, langue officielle et langue de travail ?
Tant de questionnement se pose aujourd’hui autour de ce débat.
Dans tous les cas, il est important que le gouvernement sorte de son mutisme pour donner les explications nécessaires afin d’arrêter cette atmosphère nauséabonde entretenue à dessein par certains esprits maléfiques dans une société qui a toujours vécu en harmonie, dans le brassage, le respect des minorités et de la diversité.
Adoum Boulkassoum