Le mardi 4 janvier 2022, le Directeur Général de l’Agence Judiciaire de l’Etat (AJE), M. Oumarou Ibrahim a tenu un point de presse dans les locaux de ladite institution. Au menu de cette sortie médiatique, l’affaire dite du Ministère de la Défense Nationale qui soulève à nouveau des vagues à la suite de l’ordonnance aux fins de donner acte établie le 22 décembre 2021 par le Doyen des juges d’instruction du Tribunal de Grande Instance hors classe de Niamey. Cette ordonnance, il faut le dire, a donné lieu à des commentaires de toute sorte ajoutant à la confusion générale. Interprétations tendancieuses, déchainement de passions et même intoxications ont envahi les réseaux sociaux et la toile déformant totalement le sens de l’acte établi par le doyen des juges. Le Directeur de l’AJE, M. Oumarou Ibrahim a réagi en rétablissant la vérité, les choses dans leur contexte, du début de l’audit commandité par le Président de la République d’alors Issoufou Mahamadou, en passant par les différentes contradictions sur le rapport provisoire établi, jusqu’à la transmission du dossier au Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance hors classe de Niamey et l’ouverture d’une enquête préliminaire, la prise en charge et le règlement de l’affaire contentieuse par l’Agence Judiciaire de l’Etat (AJE).
En substance l’on retiendra de la sortie médiatique du Directeur de l’Agence Judiciaire de l’Etat que L’Etat est mis dans ses droits par rapport aux sommes réclamées mais l’action publique subsiste et se poursuit.
«Ayant bénéficié du paiement de tous les montants compromis établis à la suite du rapport d’audit final et de l’enquête préliminaire pour lesquels l’Etat s’était constitué partie civile, il va de soi que l’Agence judiciaire de l’Etat en informât le Doyen des Juges d’instruction qui, de par les règles procédurales, se devait d’en donner acte par une décision motivée. D’où l’ordonnance aux fins de donner acte objet de diverses interprétations’’ a expliqué le Directeur de l’Agence judiciaire de l’Etat.
M. Oumarou Ibrahim de soutenir que «L’ordonnance aux fins de donner acte n’est pas un jugement et ne peut aucunement en tenir lieu. En effet l’action judiciaire engagée dans le cadre du dossier MDN poursuit son cours pour l’aboutissement de son volet «action publique» visant à sanctionner les infractions établies contre les personnes impliquées». En termes clairs, le Magistrat a relevé que ‘’L’ordonnance donnant acte a pour but de constater que l’Etat est rentré dans ses droits puisque toutes les sommes qu’il réclamait ont été payées suivant divers protocoles transactionnels intervenus entre l’Etat et les personnes mises en cause. Dans ces conditions l’action civile ne se justifie plus et n’a plus sa raison d’être. Il est donc normal que l’Etat se désiste de son action et que le juge d’instruction lui donne acte de son désistement. Il reste entendu que l’action publique subsiste et se poursuit.’’
Le Directeur de l’Agence Judiciaire de l’Etat a tenu à rappeler d’abord les circonstances du déclenchement de l’affaire dite du Ministère de la Défense. Tout est parti d’un audit en date du 23 septembre 2019 des marchés publics au Ministère de la Défense Nationale conduit par l’inspection Générale des Armées et de la Gendarmerie sur instruction du Président de la République suite à plusieurs notes d’information faisant état de mauvaises pratiques en matière de passation de marché au MDN.
M. Oumarou Ibrahim a souligné que ‘’C’est une innovation en matière de transparence et de redevabilité dans le domaine, qui doit être saluée, car la gestion des affaires militaires a toujours été entourée de secret et n’a jamais fait l’objet d’un audit’’.
Le rapport provisoire issu de l’audit, déposé en février 2020, a fait état de :
-quarante-huit milliards
(48.000.000.000) FCFA de surfacturation ;
-vingt-huit milliards
(28.000.000.000) FCFA de matériel non encore livré alors que le délai contractuel est épuisé.
‘’Malencontreusement ce rapport provisoire a fait l’objet d’une fuite avant toute contradiction par les personnes et établissements mis en cause et c’est la somme de ces deux montants qui constitue le chiffre de soixante-seize milliards (76.000.000.000) FCFA qui est considéré par les médias comme un détournement au Ministère de la défense’’ a rappelé le Directeur de l’AJE.
M. Oumarou Ibrahim de préciser que ‘’C’est donc sur la base du rapport provisoire que toutes les spéculations et commentaires sur ce dossier, faisant état d’un détournement de soixante-seize milliards FCFA, ont été effectués’’.
‘’…les personnes et établissements mis en cause ont apporté des documents et autres informations complémentaires qui ont permis de réduire significativement les montants mis en cause’’ conformément au principe du contradictoire, dira-t-il. Le Directeur de l’agence judiciaire de poursuivre ne indiquant que ‘’… pour ce qui concerne le matériel non livré, les investigations ont permis de ramener le montant en cause à 23 milliards. Sur ce montant l’essentiel du matériel non livré a été, entretemps, réceptionné ou annoncé en cours de route avec l’engagement des fournisseurs de livrer au plus tard fin avril 2020, le retard étant dû en partie à la fermeture des aéroports et frontière du fait de la Covid-19’’.
Aux termes des contradictions apportées et des preuves fournies, un rapport final a été déposé le 3 avril 2020 ; rapport duquel il résulte que sur la somme de vingt-huit milliards (28.000.000.000) FCFA ramenée à vingt-trois milliards (23.000.000.000) en vérité :
- dix-neuf milliards (19.000.000.000) FCFA de commandes de matériels précédemment considérés comme non livrés ont soit fait l’objet de livraison entre février et mars 2020 ou d’un engagement écrit et notarié des fournisseurs à livrer au plus tard fin avril 2020 ;
-les quatre milliards (4.000.000.000) FCFA restants relèvent des commandes passées à des sociétés étrangères.
Relativement à la surfacturation, les informations et documents produits par les fournisseurs ont conduit les auditeurs à ramener leur estimation à 16,4 milliards FCFA en lieu et place des quarante- huit milliards (48.000.000.000) FCFA annoncés dans le rapport provisoire, a expliqué M. Oumarou Ibrahim.
Sur instruction du Président de la République le rapport final a été transmis au Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance hors classe de Niamey dès avril 2020 pour enquête. Le Directeur de l’AJE d’indiquer que le Procureur de la République a saisi la Police Judiciaire pour enquête préliminaire et, après audition des fournisseurs concernés, les investigations ont fait ressortir que la surfacturation n’est fondée que pour un nombre limité de fournisseurs du MDN contre lesquels l’Etat peut valablement réclamer le paiement d’un montant estimé à 12,1 milliards de FCFA.
Poursuivant son explication, il déclarera qu’’’un montant de 4,3 milliards FCFA relatifs aux véhicules Toyota Pick Up a été considéré comme non fondé au vu des arguments avancés par les différents fournisseurs notamment les modifications imposées, les frais d’approche et les agios bancaires liés au retard de paiement et à la titrisation. De ce fait le prix uniforme moyen de trente-trois millions (33.000.000) FCFA par véhicule Toyota Pick Up a été considéré comme étant non surfacturé pour ces raisons’’.
Ayant pour mission, entre autres, la prise en charge et le règlement des affaires contentieuses dans lesquelles l’Etat est partie devant les instances judiciaires nationales ou internationales, l’Agence Judiciaire de l’Etat (AJE) s’est constituée partie civile au nom de l’Etat devant le magistrat instructeur en charge de ce dossier pour le recouvrement de toute somme due en faveur de l’Etat.
Conformément à ses attributions dont celles de pouvoir transiger avant, pendant ou après le procès et à chaque fois que les intérêts de l’Etat le commandent, les fournisseurs incriminés et l’AJE ont convenu du règlement intégral à l’Etat des sommes en cause soit par paiement au comptant pour les fournisseurs déjà payés soit par retenues sur les avis de règlement les concernant au niveau du Trésor, a expliqué le Directeur de l’AJE.
Adoum Boulkassoum