«…Moi je ne dis pas que la polygamie est quelque chose à interdire. Mais une certaine polygamie est une mauvaise chose ! Et vous pensez qu’on ne doit pas en parler. Moi, ma responsabilité, c’est d’en parler ! Et je prends le risque de le dire et je l’assume !...», avait lancé le Président de la République Mohamed Bazoum du haut de la tribune du centre de conférence International Mahatma Gandhi, le vendredi 13 mai 2022, à l’occasion de la commémoration de la fête anniversaire de la journée nationale de la femme nigérienne.
Les propos simples, crus et directs du Chef de l’Etat qui ont été fortement applaudis dans certains milieux et ont fâché dans d’autres, s’inscrivent dans le cadre de la problématique épineuse de la ‘’polygamie irresponsable’’, ‘’des mariages précoces’’ et ‘’de la scolarisation de la jeune fille’’ en lien avec le développement socioéconomique de notre pays.
«…c’est pour provoquer le débat, c’est pour interpeller les gens !’’ a soutenu le Chef de l’Etat qui a longuement expliqué les responsabilités des uns et des autres dans l’avenir de la Nation.
Le Président Mohamed Bazoum a engagé les membres du Gouvernement à donner le bon exemple, à servir de modèle et inviter les députés nationaux à être le porte-flambeau du changement de comportement attendu.
Les propos tenus par le Président de la République à la tribune de la fête nationale de la femme nigérienne se veulent surtout être un appel à plus de responsabilité, à un changement de comportement pour un Niger meilleure capable d’assurer l’éducation, la santé et l’épanouissement de ses enfants.
La fête nationale de la femme nigérienne édition 2022, a revêtu un cachet particulier cette année. Le Président de la République y a pris personnellement part et entretenu les participants sur un sujet brûlant, voire qui fâche. Comme à ses habitudes, quand il s’agit des thématiques sur lesquelles les gens ont la langue de bois, le Président a crevé l’abcès. Mohamed Bazoum a lancé le débat posant la problématique de la démographie galopante, de ‘’ la polygamie irresponsable’’ et ‘’des comportements nuisibles’’, un fléau qui anéantit les efforts de développement socioéconomique déployés par le Gouvernement.
Le Président de la République n’est pas passé par le dos de la cuillère pour dénoncer des ‘’comportements irresponsables’’ enregistrés dans notre pays.
Il a déployé tous les arguments, illustrant ses propos par des préceptes religieux, des arguments sociologiques et des comparaisons avec des pays musulmans pour dissuader nos compatriotes à des comportements responsables.
Du reste ce n’est pas la première fois que le Président de la République Mohamed Bazoum soulève ce débat sensible. Déjà, à l’occasion de son discours d’investiture, il a planté le décor en alertant sur les mariages précoces des jeunes filles et la forte prévalence de la polygamie.
«C'est cette situation qui explique les mariages précoces des jeunes filles (77% sont mariées avant 18 ans, 28% avant 15 ans), la forte prévalence de la polygamie ainsi que la faible prévalence de l'utilisation des contraceptifs. Avec un taux de fécondité synthétique de presque 7 enfants par femme nous battons le record mondial en la matière. Avec un taux de croissance démographique de 3,9% par an nous sommes le pays où la population croît le plus vite au monde. Nous sommes du coup dans un cercle vicieux: plus nous faisons d'enfants moins nous sommes capables de les éduquer, moins nous les éduquons plus ils feront des enfants à leur tour, facteurs dans notre contexte socioéconomique de retard de développement et de croissance», tel était le tableau brossé par le Président de la République Mohamed Bazoum dans son discours d’investiture le 02 avril 2021. Son discours sur le sujet n’est donc pas nouveau même s’il a changé de tonalité.
L’on se rappelle encore, que face au défi des mariages précoces une des causes de cette démographie galopante, lors du «Symposium pour la mobilisation des leaders traditionnels autour de la transition démographique au Niger : les leaders traditionnels comme Agents de changement» tenu en novembre 2021, le Chef de l’Etat a rappelé le même constat : «Le poids démographique, il faut le dire, nous empêche de renforcer le développement de notre capital humain en assurant l’accès de nos compatriotes aux services sociaux (éducation, santé…) et en facilitant l’accès de chacun à un emploi décent».
Mohamed Bazoum avait lancé à cette occasion un appel solennel et retentissant aux Chefs traditionnels : «Pour que vous prêchez par l’exemple et non pas seulement par la parole, ne serait- ce pas possible qu’au terme de ce symposium vous preniez une résolution dans laquelle vous vous engagez à ce que ni sultans, ni chefs de canton, ni chefs de groupement ne prennent plus en mariage des filles âgées de moins de 18 ans ? Ça serait un exemple», a plaidé le Président de la République.
Des actions déjà !
Le président de la République est convaincu que la démographie galopante constitue un défi majeur face auquel il faut faire face et qu’il faut aborder avec lucidité et sans passion. De nombreuses actions sont en cours pour enclencher un changement de comportement afin d’inverser la tendance. Récemment encore le conseil des Ministres du 27 avril a établi le même constat sur l’impact de la croissance démographique en lien avec la croissance économique : «Le Niger a enregistré ces dernières années des taux de croissance économique parmi les plus élevés au monde. Le taux moyen de croissance économique 2011-2020 est d’environ 6%. L’impact de ce taux de croissance serait ressenti par la population si la croissance démographique avait été maitrisée au cours de la même période», rapportent les conclusions du Conseil. La même source indique que ‘’la croissance rapide de la population contrarie les capacités d’épargne des familles puisqu’en raison de la forte proportion de jeunes qu’elle implique, le taux de dépendance reste trop élevé’’ avant d’ajouter que «Selon une étude de la Banque Mondiale, une fécondité élevée pose des risques pour la santé des enfants et de leurs mères, nuit à l’investissement dans le capital humain et anéantit l’impact de la croissance économique ».
Face à ce constat, le Gouvernement a décidé de la création d’un Office Nigérien de la Population (ONP) en vue d’amorcer la transition démographique qui constitue un axe fondamental de sa politique.
La mission principale de l’ONP, indique-t-on est la maitrise de la croissance démographique et la capture du dividende démographique.
Il s’agira de manière spécifique pour l’ONP d’élaborer et de mettre en œuvre, à travers les Ministères sectoriels concernés, une politique et une stratégie d’accompagnement de la transition démographique.
Prêcher par l’exemple
«Nous devons donnez l’exemple, nous qui avons la chance de comprendre tout ça», a lancé le Président de la République à la tribune du Centre de conférence international Mahatma Gandhi de Niamey.
«…J’ai dit à mes ministres tant que vous êtes dans mon gouvernement à moi, il vous est interdit de prendre une femme supplémentaire. Il faut que nous donnions l’exemple ! Le Ministre qui veut prendre une femme supplémentaire, on ne lui interdit pas, il peut quitter le gouvernement mais tant qu’il sera dans le gouvernement il lui sera interdit de prendre une femme supplémentaire… », a révélé le Président Mohamed Bazoum dans la même veine.
Le même appel sera lancé à l’endroit des parlementaires à cette occasion : «Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, je voudrais que les députés prennent un tel engagement pour que nos compatriotes nous écoutent pour qu’ils nous comprennent… », a plaidé le Chef de l’Etat.
Le débat est lancé ! ‘’C’est pour provoquer le débat, c’est pourinterpeller les gens’’ a conclu le Président de la République Mohamed Bazoum dont l’appel sonne comme une interpellation de l’ensemble des citoyens à un changement de comportement afin de garantir aux générations futures un meilleure avenir.
Adoum Boulkassoum