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Pour un avenir prospère, tournez-vous vers les femmes.

En juin, lors d’un voyage au Sénégal et au Rwanda, mon premier voyage en Afrique depuis le début de la pandémie, j’ai pu constater d’innombrables exemples africains d’innovations. Parmi celles-ci figurent notamment une université rurale formant la prochaine génération de professionnels de la santé mondiale ; une entreprise qui transforme des pneus usagés, lieux de reproduction des moustiques, en gazon synthétique et en combustible pour les cimenteries ; et une équipe de scientifiques développant des vaccins et des traitements de pointe pour lutter contre toutes sortes de maladies infectieuses.
Après avoir passé 20 ans à me rendre sur le continent et à travailler avec ses dirigeants, je n’ai nullement été surprise de voir que des solutions africaines qui permettaient de répondre aux défis de l’Afrique. Je n’ai pas plus été surprise de découvrir que bon nombre des personnes talentueuses à l’origine de ces solutions étaient des femmes.
Deux jeunes femmes de 20 ans ont créé E-cover, une société de recyclage de pneus, basée à Dakar. Les femmes sont aussi largement présentes dans les structures d’enseignement supérieur. Elles représentent notamment 70 % des étudiants de la « University of Global Health Equity », l’école dans laquelle je me suis rendue à Butaro, au Rwanda, ainsi que la moitié du personnel de l’Institut Pasteur de Dakar, une institution de recherche de renom et un fabricant de vaccins et de solutions de diagnostics.
Ces femmes jouent un rôle important pour l’avenir de l’Afrique. Mais pour y arriver, elles ont dû, comme la plupart des femmes du monde, persévérer et surmonter des difficultés économiques, une répartition inégale des responsabilités en matière de soins et une norme culturelle omniprésente selon laquelle le rôle des femmes demeurerait, avant tout, la gestion du foyer. Ce succès durement gagné est un exemple pour leurs familles et leurs communautés. En outre, les femmes autonomes et en bonne santé contribuent à l’amélioration de l’équité en santé, aux progrès technologiques et à assurer un avenir financier plus sûr pour tous. Selon une estimation de la Banque mondiale, si les femmes disposaient des mêmes moyens financiers que les hommes, la richesse mondiale totale augmenterait de 14 %.
L’égalité des sexes demeure à la fois un défi global – et ce notamment depuis la pandémie qui a eu pour effet d’exacerber les inégalités entre les sexes – et une opportunité. À la Fondation Gates, nous réalisons l’importance capitale de permettre aux femmes d’accéder aux mêmes opportunités que les hommes afin de réaliser leur plein potentiel. Nous avons également appris ce qui est nécessaire pour y parvenir. Au lieu de laisser aux femmes le soin de surmonter par elles-mêmes les obstacles systémiques auxquels elles sont obligatoirement confrontées, les dirigeants peuvent stimuler des progrès beaucoup plus rapides en mettant en oeuvre des politiques et des pratiques volontaires pour permettre l’élimination de ces obstacles. Parmi les domaines dans lesquels des actions immédiates permettraient de faire une grande différence, on retrouve notamment :
Les soins de qualité. Lorsque les femmes ont accès à des soins médicaux de qualité et sont maitre de leurs propres choix en matière de santé et de planification familiale, le résultat n’est pas uniquement
une amélioration du niveau de santé et de productivité des femmes ; cela se ressent également sur leurs familles (y compris les hommes dans leur vie) et leurs communautés. Pourtant, trop souvent, les problèmes de santé des femmes sont marginalisés.
J’ai visité le centre d’appels de Babyl Rwanda. Ce centre gère quotidiennement 3 000 rendez-vous de télésanté avec des médecins et des infirmières, et est un excellent exemple d’organisation qui veille à ce que les femmes ne soient pas laissées pour compte. Les soins médicaux par téléphone sont une approche transformatrice pour tous, mais surtout pour les femmes vivant en zones rurales – pour qui il peut s’avérer difficile de laisser enfants et travail derrière afin de se rendre à une clinique ou même difficile d’aborder des questions de santé sexuelle avec leur médecin, bien qu’elles puissent les connaitre personnellement.
Initialement, le système a rencontré quelques problèmes. Le centre Babyl Rwanda a constaté que les femmes avaient du mal à prendre rendez-vous car les comptes Babyl étaient liés à des téléphones portables individuels, ceux-ci appartenant souvent à leurs maris. Ce problème a été résolu en modifiant le système d’identification des patients et en adoptant leur numéro de carte d’identité nationale. Plusieurs personnes peuvent désormais utiliser les services de télésanté sur un même téléphone, et le nombre de femmes utilisant ces services a doublé.
Le soutien aux entreprises tenues par des femmes. Une étude de la Banque mondiale menée dans 10 pays africains a révélé que les entreprises détenues par des hommes bénéficiaient de six fois plus d’investissements en capital que les entreprises tenues par des femmes. Au Sénégal, alors que 31 % des entreprises appartiennent à des femmes, celles-ci n’ont accès qu’à 3,5 % des capitaux disponibles. Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de manquer de garanties et de devoir faire face à la fois à des préjugés sexistes et à un coût plus élevé de capitaux.
Grace à WIC Capital, une structure fondée par Thiaba Camara Sy et qui finance exclusivement des entreprises dirigées par des femmes, diverses entrepreneures en Afrique, dont Yaye Souadou Fall et Khady Diallo et leur société de recyclage de pneus, ont pu combler cet écart, employer des centaines de personnes et mettre de nombreux produits indispensables sur le marché. Imaginez les avancées dont les Africains pourraient bénéficier si les gouvernements et les institutions financières investissaient davantage dans le pouvoir de transformation des femmes entrepreneures en attribuant des ressources aux entreprises appartenant à des femmes, y compris un meilleur accès à des crédits abordables.
L’accès aux services de garderie pour enfants. À l’Institut Pasteur de Dakar (IPD), plusieurs des femmes m’ont dit qu’elles pouvaient travailler uniquement parce qu’elles avaient pu trouver des services de garde à l’enfance. De nombreuses femmes n’ont pas cette option. Le manque de services de garderie accessibles et abordables est non seulement un défi logistique pour les familles, mais également une importante opportunité économique manquée pour leur pays. Selon l'Organisation internationale du travail, l’adoption de politiques globales de soins permettrait d’augmenter les taux d'emploi en Afrique de près de 11 % pour les femmes et de 8 % globalement, car la disponibilité de services de garderie profite également aux hommes.
L’IPD est sur le point de devenir le premier site africain de production de vaccins à haut volume, y compris contre la COVID. Les progrès de l’IPD dépendent en grande partie de la capacité des femmes
scientifiques à pouvoir apporter leur contribution. Ainsi, bien que les innovations qui naissent dans les laboratoires de l’IPD soit nécessaires, le centre de garderie pour enfants que l’Institut construit s’avère être tout aussi important.
Il existe un autre changement, de nature plus profonde, qui permettrait à l’Afrique de maintenir, et même d’accélérer son élan. Presque toutes les femmes avec qui j’ai pu m’entretenir lors de ma visite, et ce, peu importe leur âge et leur expérience, m’ont parlé des remarques auxquelles elles sont constamment confrontées : « N’ayez pas trop d’ambition professionnelle ou vous ne parviendrez jamais à trouver un mari. », « C’est un métier d’hommes. Que faites-vous dans ce milieu ? », « Si vous insistez pour devenir médecin, au moins n’envisagez pas une carrière de chirurgien, ou vous ne pourrez pas être une épouse et une mère. ».
Ce problème ne se limite certainement pas uniquement à l’Afrique. Chez moi, aux États-Unis, les femmes sont également confrontées à des remarques similaires. Il n’existe pas de moyen facile de changer les mentalités. Mais la première étape consiste à comprendre l’impact engendré lorsque des efforts dans ce sens sont réalisés. Les politiques et les programmes visant à faire progresser les femmes ne sont réellement efficaces que s’ils sont accompagnés d’efforts stratégiques visant à aider les gens à comprendre que lorsque les femmes sont encouragées à atteindre leur plein potentiel, cela crée un ensemble de possibilités bénéfiques à tous.
Au Sénégal, j’ai rencontré Binta Diao, une femme qui, à l’âge de 14 ans, a été forcée de quitter l’école pour épouser un homme ayant presque le double de son âge. À 20 ans, elle a commencé à suivre des cours à Tostan, une organisation qui dispense des cours sur les Droits de l’Homme, la démocratie, la santé et l’économie aux communautés ouest-africaines. Les femmes qui ont suivi les formations de Tostan contribuent à l’évolution des normes culturelles tout en démontrant à leurs maris que lorsque les femmes gagnent un revenu, les hommes en bénéficient également.
Binta a commencé par vendre des légumes, puis du lait de vache, et est aujourd’hui l’animatrice d’une émission de radio à succès. Elle aborde des sujets portant sur la santé maternelle et néonatale, motive d’autres femmes à créer leur propre entreprise et partage des conseils sur les projets susceptibles d’être rentables. Le constat de Binta est édifiant. « Avant, je n’étais qu’une femme ordinaire », confie-t-elle. « J’étais rabaissée » a-t-elle ajouté. Mais aujourd’hui quand elle parle, les gens écoutent.
Grâce à de tels efforts, la vision des femmes au sein de plus en plus de communautés commence à évoluer et ces communautés commencent à prospérer. Ce n’est que lorsque les expériences de femmes comme Binta ne seront plus minimisées et que les dirigeants africains percevront enfin le potentiel illimité de toutes les femmes du continent, qu’ils seront en mesure de permettre des progrès extraordinaires pour tous.

Par Melinda French Gates

 

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