Le 10 novembre dernier à l’occasion de la rentrée judiciaire placée sous le thème « le rôle de la Justice dans la construction de l’État de droit », le Président de la République Mohamed Bazoum a averti les acteurs de la justice en réitérant son engagement à « lutter résolument contre la corruption en milieu judiciaire». Pour le Président de la République Mohamed Bazoum, pas de quartier pour les brebis galeuses qui ternissent l’image du corps judicaire, rappelant la place de choix de la gouvernance judiciaire, dans son programme politique qui constitue la troisième dimension en la tière après la gouvernance sécuritaire et la gouvernance politique. Le Président Bazoum s’est engagé à donner des réponses aux principaux défis auxquels notre justice est confrontée, en faisant une justice de qualité, plus efficace, plus équitable et plus accessible au citoyen.
« J’en appelle au sens de responsabilité de chaque maillon de la chaîne judiciaire, principalement les chefs des juridictions dans leur rôle de contrôle hiérarchique, les services de contrôle et d’inspection, tous ceux qui ont une parcelle de pouvoir dans le fonctionnement de notre système judiciaire, à s’investir davantage pour mettre fin à certaines pratiques qui n’honorent pas notre système judiciaire », a lancé le Magistrat suprême à l’occasion de la rentrée judicaire.
Cet appel semble avoir été entendu par la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HALCIA) qui s’est intéressée à la corruption en milieu judiciaire à Agadez, une ville carrefour gangrénée par des trafics multiformes.
L’enquête diligentée par la HALCIA à la suite de multiples plaintes de la population et sur instruction du Président de la République a permis de découvrir qu’il y’a encore la survivance d’actes répréhensibles dans les milieux judicaires. Les investigations menées par les enquêteurs de l’Institution dirigée par le magistrat M. Mai Moussa El hadj Bashir ont permis de découvrir des pratiques pour le moins mafieuses à travers des libertés provisoires abusives accordées à des présumés criminels qui se livrent à des trafics de toute sorte. Outre ce côté malsain, la HALCIA a aussi découvert des disparitions des scellés judiciaires au niveau de certains services d'enquêtes mais également la disparition de certains véhicules pris par les forces de défense et de sécurité lors des opérations diverses qui ont pris d’autres destinations. Diverses personnalités administratives, judiciaires et sécuritaires de la région ont été entendues par les enquêteurs de la HALCIA au cours de son séjour à Agadez.
Cette découverte de la HALCIA révèle que les pratiques corruptives polluent encore les milieux judicaires malgré l’existence de la ligne verte qui avait permis un moment de dissuader les acteurs chargés de rendre la justice de s’éloigner de certaines dérives. Avec ce rapport de la HALCIA, révélateur de la dimension des mauvaises pratiques qui ont cours dans les milieux judicaires et qui conforte les soupçons du Président de la République, il y’a lieu d’élargir ces enquêtes dans toutes les régions et que des inspections de services soient diligentées aux niveaux de tous les tribunaux pour assainir le milieu.
En outre, le Président de la République dans son message à la Nation du 18 décembre 2022, commémorant le 64ème anniversaire en a appelé ‘’aux magistrats pour qu’ils aient toujours à l’esprit ce à quoi je les ai si souvent exhortés en matière de probité et de justice tout court’’.
L’on se rappelle que l’Etat du Niger a fait droit à bien des revendications du syndicat des magistrats leur permettant de bénéficier de traitements relativement décents les mettant à l’abri de la tentation. Mieux le budget de la justice a été revu à la hausse dans la loi des finances 2023. Chose confirmée par le procureur de la République, M. Chaibou Moussa, lors du débat organisé par la Halcia à l’occasion de la journée internationale de lutte contre la corruption le 9 décembre 2022. Il n’y a donc aucune raison que des magistrats portent si gravement entorse à l’éthique que leur commande leur noble métier.
Il faut dire qu’en dehors des pratiques corruptives, d’autres distorsions qui paralysent le système judiciaire nigérien qui ont pour noms ‘’pénalisation délibérée des infractions civiles à des fins de clientélisme’’, ‘’retard excessif dans le traitement des affaires judiciaires’’, ‘’refus de rédiger les décisions de justice dans le délai’’ autant des ‘’pratiques assimilables à un déni de justice’’, avaient été soulignés par le Président de la République Mohamed Bazoum lors de la rentrée judicaire, promettant que ‘’La persistance de ces pratiques appellera de notre part des sanctions exemplaires…’’
Adoum Boulkassoum